80 % des handicaps ne se voient pas. Invisibles, ils ne sont pourtant pas imaginaires mais souffrent, plus que les handicaps visibles, d’incompréhension et de préjugés, voire de discriminations.
« La recherche s’est intéressée aux handicaps visibles, mais très peu à ceux que l’on ne voit pas. Or, ils représentent plus de trois quarts des handicaps ! », fait remarquer Marine Granjon, doctorante en psychologie. Son sujet de thèse porte sur les « mécanismes sociocognitifs qui sous-tendent la perception sociale du handicap invisible ».
Maladies auto-immunes, troubles cognitifs ou phobiques, dyslexie, diabètes, cancers, dépressions, scléroses en plaque : autant de pathologies invalidantes… mais souvent parfaitement invisibles aux yeux de ceux et celles qui entourent les personnes qui en sont porteuses. Or, les préjugés et les stéréotypes ont la vie dure dans ce domaine : « La vision prototypique du handicap est celle d’une personne en fauteuil, alors que cela ne représente que 2 % de tous les handicaps ! Cette représentation tenace est héritée de la guerre, avec ses amputés et ses invalides. »
Les études semblent suggérer des attitudes plus négatives envers les handicaps invisibles qu’envers les handicaps visibles. Envie, méritocratie ? L’invisibilité du handicap suscite des réactions discriminatoires, voire des rejets, « en décrédibilisant les adaptations des personnes concernées et en les soupçonnant parfois de chercher à tirer avantage de leur situation ». L’adaptation d’un poste de travail aux besoins d’une personne atteinte d’un handicap, si elle est considérée par les collègues ou les camarades de classe comme illégitime, peut être perçue comme un privilège, voire une injustice et susciter des jalousies.
L’adaptation d’un poste de travail aux besoins d’une personne atteinte d’un handicap peut être perçue comme un privilège, voire une injustice.
Il n’est donc pas surprenant que ce soient justement les porteurs d’un handicap invisible qui refusent la reconnaissance officielle de leur handicap dans leur milieu professionnel. « Chez une personne qui souffre de handicap invisible, quel qu’il soit, l’estime de soi est souvent détériorée. Pour rehausser cette estime de soi, un moyen privilégié est de se rapprocher du groupe dominant en tâchant de passer inaperçu. » Les conséquences de ce déni sont à double-tranchant car les aménagements nécessaires à l’adaptation du travail aux contraintes du handicap ne pourront pas être pris en compte.
Dans le cadre de sa thèse, Marine Granjon se focalise plus particulièrement sur le milieu scolaire et s’intéresse aux discriminations engendrées par des situations de handicaps non visibles. Elle rapporte le témoignage d’une lycéenne qui s’est fait insulter par ses camarades parce qu’elle s’était garée sur une place pour personne handicapée parce qu’elle ne pouvait tenir longtemps debout en raison de son handicap invisible. Elle évoque aussi des pathologies complexes, comme l’arthrite juvénile idiopathique, « une maladie qu’il est très difficile de faire reconnaître, car son diagnostic n’est pas simple : c’est une affection instable, qui va, qui vient... Pourtant, un élève atteint de cette pathologie aurait besoin d’un tiers de temps en plus pour réussir aussi bien qu’un autre élève ».