Le temps comme thématique d’interdisciplinarité tous azimuts au cœur de l’université. Comment par exemple faire travailler ensemble mathématiques, psychiatrie et musicologie grâce au temps qui passe. Paul-Antoine Hervieux, vice-président délégué * de l’Unistra et physicien, décortique toutes les fonctions du temps à l’université : temps comme sujet d’étude, temps de la recherche, temps comme contrainte de gestion…
Paul-Antoine Hervieux : Le temps est un objet commun à plusieurs disciplines. D’où l’idée du colloque interdisciplinaire qui s’est déroulé en juin dernier : nous voulions que des personnes d’horizons très différents se rencontrent et déclinent le concept de temps dans leurs recherches et leurs travaux. C’était l’occasion de rapprocher des gens qui évoluent dans des univers très éloignés et, au travers de leurs expériences dans l’approche du temps, de provoquer des rencontres inattendues.
P.-A. H. : Lors du colloque sur le temps, j’ai animé une session où cinq intervenants décrivaient leur approche du temps : il y avait un juriste, une psychiatre, un mathématicien, un musicologue et une philosophe. On s’est aperçu que la psychiatre, le mathématicien et le musicologue pourraient très bien travailler ensemble sur la question de la perception de la musique atonale par un patient souffrant de schizophrénie, en utilisant les théories du chaos et de la perte des enchainements logiques développées en mathématiques. Comment le patient réagirait à une musique atonale ? C’est très concret et ce n’est qu’un exemple. Pourquoi ne pas rechercher des financements pour débuter une recherche croisée sur ce thème ? L’interdisciplinarité permet l’émergence de recherches, qui sortent vraiment des sentiers battus. Le temps comme objet transdisciplinaire est un élément susceptible de faire émerger cette interdisciplinarité.
P.-A. H. : Bien sûr, nous devons faire face à des contraintes sociétales d’embauche de nos étudiants. Mais le temps de la recherche doit rester un temps long, de maturation, d’émergence. Si je reviens sur ma propre expérience de chercheur, je travaille sur des sujets que je mature depuis plus de 20 ans, depuis le début de ma carrière. Peut-être y a-t-il des problèmes que je ne résoudrai jamais. Il y a en fait deux temporalités : même dans le temps long de la recherche, le chercheur évolue dans un temps court : il doit se tenir au courant des avancées quotidiennes, des nouvelles questions posées… Ça va à toute vitesse. C’est un flux continu. Le chercheur doit être aussi dans cette temporalité. On apprend aussi cette distorsion du temps à nos étudiants. Il faut être ouvert au monde dans cette temporalité rapide pour alimenter sa propre temporalité. Mais là, c’est plutôt le chercheur qui parle.
P.-A. H : Encore une fois, c’est le chercheur qui répond. Il est vrai que nous sommes là pour aider nos collègues des laboratoires. D’où l’intérêt de monter des projets pour obtenir de nouveaux financements. La contrainte budgétaire nous pousse aussi à être originaux, à imaginer des projets innovants. Le chercheur évolue dans plusieurs échelles de temps. Et c’est une bonne chose. Nous ne devons pas nous enfermer dans une temporalité trop longue. Nous avons aussi besoin de cette émulation par la temporalité. Nous apprenons à mieux structurer nos travaux, à être plus innovants.
Jean de Miscault
* aux partenariats avec les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) et les collectivités.
Il n’y a pas une discipline scientifique qui n’inclue la notion de temps. Chacune d’elle l’aborde à sa manière avec au final une diversité d’approches qui donne à ce concept un statut bien particulier et définitivement pluridisciplinaire. Que ce soit à l’échelle des mécanismes biologiques ou à celle de l’évolution du climat ou encore à celle de la physique atomique, les temps sont bien caractéristiques. La notion de rythme et dynamique en est un autre volet que l’on peut retrouver dans les domaines de la médecine de l’économie ou encore de l’histoire. Autant de thématique où le temps a été décortiqué aux travers d’interventions et de débat bien évidemment rythmés
A revoir entre les multiples interventions, celle du physicien Etienne Klein qui proposent de « faire parler » les équations.
Les formalismes de la physique sont essentiellement constitués d’équations, qui condensent des relations fondamentales et traduisent des propriétés essentielles. Elles révèlent des choses plus profondes sans doute que ce que nos discours humains, aussi subtils soient-ils, sont capables d’exprimer. Mais, bien sûr, les équations ne parlent pas d’elles-mêmes, en tout cas pas au sens usuel du terme. Alors que pourrions-nous dire de ce qu’elles diraient du temps si elles pouvaient parler ? Par exemple, l’associeraient-elles systématiquement à l’idée d’évolution ?
Retrouvez l’intégralité du colloque « Temps » sur canalc2.fr