juillet 2015

Y aurait-il un modèle laïc à l’université ?

En plus de ses deux facultés de théologie, l’Unistra fut la première à proposer dès 2011, un diplôme universitaire sur la pluralité des religions. Entre exemple et particularisme, il est aussi bien question de richesse interdisciplinaire.

Le 3 mars dernier, le Premier ministre, Manuel Valls, accompagné de Najat Vallaud-Belkacem et Bernard Cazeneuve, s’est rendu à l’Université de Strasbourg afin de rencontrer les étudiants et les enseignants du diplôme universitaire Droit, société et pluralité des religions. Quelques semaines après les attentats de Paris, il tenait à affirmer ici, à l’Unistra, que la formation devait devenir un passage « incontournable […] pour exercer certaines fonctions. Je pense, en particulier, à celle d’aumônier ; je pense aussi aux règles qui devront s’appliquer aux ministres du culte formés à l’étranger et venus exercer en France. » Et le Premier ministre d’en profiter pour annoncer la création de diplômes universitaires équivalents à celui de Strasbourg, déjà dupliqués dans cinq universités, dans six autres universités françaises, tout en rappelant que « la France c’est la laïcité » et que « la laïcité, c’est […] l’apaisement. »

Une situation particulière

Peut-on pour autant ériger Strasbourg en modèle de laïcité pour les autres universités françaises ? « Modèle sûrement pas, tempère Michel Deneken, premier vice-président de l’Université de Strasbourg, et prêtre du diocèse de Strasbourg, un exemple sans doute. » Et une situation particulière très certainement. Combien d’autres universités françaises comptent-elles un prêtre catholique dans leur conseil d’administration ? Aucune. Et pour cause : Strasbourg est la seule à compter deux facultés de théologie, l’une catholique, l’autre protestante. « Les enseignants-chercheurs de ces deux facultés sont des enseignants-chercheurs comme les autres, insiste Michel Deneken. Ils participent à la vie de l’université comme les autres. »

« Nous proposons à nos étudiants un regard laïc et critique sur les religions. Nous leur donnons une culture républicaine. »

« Nous ne sommes pas une école pastorale, précise Rémy Gounelle, doyen de la Faculté de théologie protestante. Nous sommes une université d’Etat. Nous proposons à nos étudiants un regard laïc et critique sur les religions. Nous leur donnons une culture républicaine. » Et c’est cette approche laïque qu’a voulu mettre en avant le Premier ministre en visitant le diplôme universitaire (DU) Droit, société et pluralité des religions. Ce DU, créé en 2011 au sein de la Faculté de droit, premier de son espèce en France, a accueilli huit étudiants lors de l’année universitaire 2014-2015. Son « objectif, explique sa responsable Céline Pauthier, n’est pas d’enseigner la religion mais la place de la religion dans une société laïque. »

La richesse de l’enseignement des religions

Même si d’aucuns ne se gênent pas pour réclamer la sortie du religieux de l’université, Rémy Gounelle préfère insister sur « la richesse strasbourgeoise que constitue l’enseignement des religions » et sur l’interdisciplinarité qu’il pratique avec ses collègues historiens, juristes ou philosophes. Ainsi le groupement d’intérêt scientifique Sciences des religions et théologies à Strasbourg, qu’il dirige, travaille-t-il actuellement sur les questions de la religion et de l’alimentation. Des journées d’études sont organisées où les approches théologiques, mais aussi sociologiques, anthropologiques ou juridiques sont abordées. Ces derniers mois, fort de ses premiers travaux, le groupement est aussi intervenu auprès des principaux de collèges et proviseurs de lycées de la région. Et si c’était là que réside l’apaisement laïc mis en avant par Manuel Valls ?

Jean de Miscault

Et l’islam ?

Francis Messner, directeur du master Islamologie droit et gestion de l’Unistra, a remis son rapport sur la formation des cadres religieux musulmans au Premier ministre, le 3 mars dernier à Strasbourg. Il fait trois préconisations :

  • étendre le nombre de diplômes universitaires sur le modèle du diplôme universitaire (DU) Droit société et pluralité des religions en suggérant que cette formation soit requise pour accéder à certains postes d’agents publics, ou pour l’obtention de visa par les cadres religieux ;
  • développer et structurer des pôles de sciences humaines et sociales sur l’islam, en favorisant l’approche historico-critique ; « le master d’islamologie de Strasbourg répondant déjà partiellement à cette demande » ;
  • apporter un soutien en sciences humaines et sociales aux établissements privés de théologie musulmane.

Mots-clés

  • Laïcité
  • enseignement
  • pluridisciplinarité