Mathieu Schneider, vice-président de l’Université de Strasbourg, est le coordinateur du groupe Migrants pour l’enseignement supérieur (MEnS) mis en place avec le soutien de la Conférence des présidents d’université (CPU). Pour lui, l’accueil des étudiants migrants relève de la « responsabilité sociétale de l’université ».
Quelle est la réalité des étudiants réfugiés en France ? Combien sont-ils ? D’où viennent-ils ? Qui sont-ils ?
Soyons d’abord précis sur les termes. Je préfère parler de migrants ou d’étudiants en exil, car leur statut juridique est très variable : certains ont déjà le statut de réfugié, d’autres sont en attente de régularisation, d’autres enfin ont la protection subsidiaire, qui leur donne accès à des premiers droits. Mais les universités ne se substituent pas à la politique migratoire du gouvernement : elles n’inscrivent que les étudiants qui sont en règle avec la préfecture. Actuellement, elles accueillent entre 1 700 et 2 000 étudiants migrants, majoritairement des Syriens et des Irakiens.
Comment la mobilisation des universités sur ce sujet a-t-elle pris ?
Il n’y a pas eu d’injonction du ministère demandant aux universités de prendre leur part dans l’accueil des migrants. Elles ont d’elles-mêmes mis en place des dispositifs pour accueillir ces étudiants migrants. On ne leur a pas non plus donné de moyens supplémentaires. En septembre 2015, nous avons été une petite dizaine d’universités à mettre le dispositif en place. Maintenant nous sommes 35, soit quasiment la moitié des universités françaises.
Que faites-vous pour ces étudiants ?
La première urgence est de leur apprendre le français, car la plupart arrive sans parler un mot. Or il est impossible d’étudier en France sans maîtriser la langue, qui est aussi un important vecteur d’intégration sociale. Les universités se sont appuyées sur les formations en Français langue étrangère (FLE) et y ont intégré les étudiants migrants. Mais il fallait aussi les accompagner dans leur reprise d’études. Elles ont donc mis en place des systèmes de parrainage : un étudiant de la composante accompagne le nouvel étudiant, ce qui permet aussi l’intégration dans un réseau. Dès que l’étudiant se sent prêt à suivre un ou deux modules, sans attendre qu’il ait validé son diplôme français, il peut commencer à suivre les cours, en auditeur ou avec l’objectif de se présenter à l’examen.
De quels moyens financiers disposez-vous ?
Le coût estimé par l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) de ces dispositifs est de 2,5 millions d’euros pour l’ensemble de la France. Cette somme, prise par les universités sur leur budget propre, est très modestement compensée par des dotations de l’Etat et de quelques entreprises ou fondations, collectées par l’AUF, et qui s’élèvent en 2017 à 380 000 euros. Cet engagement des universités traduit une prise de conscience de ce qu’on commence à appeler leur « responsabilité sociétale », c’est-à-dire des solutions qu’elles peuvent accorder, dans le cadre de leurs missions, à des problèmes actuels de notre société. Espérons que le gouvernement reconnaîtra cet engagement et l’accompagnera d’un soutien politique et, nous l’espérons, de moyens dédiés.
Propos recueillis par Jean de Miscault
Le groupe Migrants dans l’enseignement supérieur (MEnS) a constitué quatre groupes de travail pour faire des propositions sur les sujets suivants : français langue étrangère et accès aux études, validation des acquis et reconnaissance des diplômes, coordination de l’accueil avec les institutions et les associations, accueil des chercheurs.