février 2018

« Le statut de réfugié permet de se projeter dans son nouveau pays »

En 1982, Babak Mehmampazir a fui la République islamique d’Iran pour se « réfugier » en France. Aujourd’hui il est enseignant-chercheur en gestion et directeur-adjoint de l’Ecole de management Strasbourg. Autobiographie d’une intégration réussie.

« J’étais lycéen lorsque je suis arrivé en France en 1982 avec mon frère. Ma famille aspirait à nous voir grandir dans un pays où les libertés individuelles étaient préservées, respectées, bref dans une démocratie. J’ai atterri à Strasbourg parce que ma sœur y avait vécu un an. Nous n’étions donc pas complètement en terre inconnue, nous connaissions quelques personnes qui d’ailleurs, nous ont aidés.

Les réfugiés qui s’installent dans notre pays doivent être vraiment accueillis : on doit les aider à apprendre la langue, à comprendre leur nouvel environnement de vie, à étudier, à se projeter et à avoir une trajectoire professionnelle digne.

D’abord j’ai intégré une classe pour étrangers pour apprendre le français. Maîtriser la langue du pays, c’est toujours une condition préalable à tout le reste. Puis, je suis allé au lycée. Certes, j’avais une vie assez étrange pour un lycéen : nous vivions à six réfugiés dans un studio et surtout j’étais sans papiers. Pourtant, je n’étais pas anxieux. J’avais la chance de venir d’une famille qui a foi dans les études. Cela suffisait à ma motivation, c’était même un moteur très fort. J’ai passé mon bac avec succès en 1986.

Il ne sert à rien d’accueillir des réfugiés si on ne les accompagne pas

Entretemps, j’avais demandé l’asile politique que j’ai obtenu la même année. Le statut s’accompagnait de tout un dispositif précieux pour l’intégration : par exemple, j’ai été boursier pendant toutes mes études supérieures. Ce statut m’a permis de me projeter, car ma situation subitement se stabilisait. Je me disais : je peux me nourrir, me loger, me consacrer à mes études. Je vais m’en sortir.
Après le bac, j’ai commencé mes études supérieures à la Faculté des sciences économiques et de gestion. J’ai poursuivi jusqu’en doctorat. Peu de temps après, j’ai été embauché comme contractuel pour enseigner à l’IECS*, qui n’était pas encore l’Ecole de management (EM). En1998, je suis devenu maître de conférence. En 2004, j’ai demandé et obtenu la nationalité française et apprécié de pouvoir voyager beaucoup plus facilement avec un passeport de l’Union européenne.
Malgré mon histoire réussie d’intégration en France, je ne conseillerais pas aux réfugiés de s’y installer ; d’ailleurs, ma propre famille a dû repartir aux Etats-Unis. Bien que je compatisse à leurs difficultés, les conditions d’accueil et d’intégration me semblent devenir de plus en plus difficiles ; compliquées notamment par un taux de chômage élevé et durable.
Ce qui est certain, c’est que les réfugiés qui s’installent dans notre pays doivent être vraiment accueillis : on doit les aider à apprendre la langue, à comprendre leur nouvel environnement de vie, à étudier, à se projeter et à avoir une trajectoire professionnelle digne. Car sinon l’intégration court à l’échec. »

Témoignage recueilli par Caroline Laplane

* L’Institut européen d'études commerciales supérieures a fusionné en 2007 avec l’Institut d’administration des entreprises pour former l’EM Strasbourg.