À l’Institut de géologie et au Jardin botanique, Jean-Claude Gall et Frédéric Tournay sont deux collectionneurs dans l’âme qui pensent avant tout à l’utilité de leurs collections.
Dans l’escalier monumental de l’Institut de géologie, Jean-Claude Gall s’arrête devant un fossile de reptile marin de 2,50 mètres de long inclus dans une plaque de schistes bitumineux. Le professeur émérite de géologie et de paléontologie voit dans cette pièce un double vestige. L’ichtyosaure conservé dans la roche a été découvert en 1866 dans le Wurtemberg : « Il raconte une histoire vieille de 180 millions d’années ». Il est aussi un des rescapés de l’incendie de 1967, qui avait détruit la collection d’holotypes, c'est-à-dire les spécimens originaux servant à décrire une nouvelle espèce.
« La collection ne vit que si elle est consultée. »
Même s’il est à l’origine du déménagement, en 1996, des collections alors stockées dans un hangar de la Montagne Verte vers les salles souterraines du Fort Foch, à Niederhausbergen, qui deviennent alors la lithothèque, ainsi que de la création d’un petit musée dans le sous-sol de l’institut, Jean-Claude Gall ne cache pas sa nostalgie : « La collection ne vit que si elle est consultée. » Alors bien sûr, des spécialistes sont venus d’Allemagne, de Suède, de Roumanie… étudier les collections strasbourgeoises mais le paléontologue aurait aimé qu’elles vivent davantage. D’où la numérisation entreprise il y a quelques années, grâce à laquelle 30% des pièces sont inventoriées, mais aujourd’hui interrompue faute de ressources humaines et pécuniaires.
L’idée n’est pas de constituer « un tableau de chasse, avertit Frédéric Tournay. L’important, c’est de savoir ce que nous en faisons.
Au Jardin botanique, Frédéric Tournay, le responsable des collections, a un peu plus de chance. Les livres, les fruits, les graines, les morceaux d’arbres ont été rassemblés en un seul et même lieu : deux salles attenantes dont les fenêtres donnent directement sur la luxuriance des serres tropicales. En tout 5 000 ouvrages, 600 lots de graines et de fruits, 450 échantillons de bois provenant pour l’essentiel des arbres du Jardin botanique… même si l’idée n’est pas de constituer « un tableau de chasse, avertit Frédéric Tournay. L’important, c’est de savoir ce que nous en faisons. » Et les utilisations ne manquent pas : pédagogie de la maternelle aux adultes, des collégiens aux étudiants et enseignants, recherche pour les scientifiques qui demandent un morceau de feuille pour faire une analyse génétique, agrément pour montrer au grand public des échantillons qu’il n’a pas l’habitude de voir. On peut ici observer des graines à hameçons ou à colle que les animaux transportent sur leur dos et disséminent ailleurs, des graines à ailettes qui volent au gré du vent, des noix de coco flottant d’une île à l’autre… Et la collection s’agrandit année après année grâce aux échanges d’un jardin botanique à l’autre. Sans que rien ne soit jamais jeté. « On préfère sélectionner avant, que jeter après », explique Frédéric Tournay en vrai collectionneur.