Que représentent les collections pour l’Université de Strasbourg ? Pourquoi les conserver ? Quels projets a-t-elle en leur faveur ? Sébastien Soubiran, directeur-adjoint du Jardin des sciences, nous éclaire sur les enjeux des collections pour l’université.
Que recouvrent les collections de l’université ?
L’Unistra a su préserver son patrimoine exceptionnel, c’est sa richesse et sa problématique
Leur diversité et leur richesse est telle, en termes de typologie, de gestion, de quantité, qu’il est difficile de les qualifier sans risquer d’être exclusif. L’Unistra a su préserver son patrimoine exceptionnel, c’est sa richesse et sa problématique. Nous mettons en avant les collections spécifiques : l’Herbier, le Musée de minéralogie, de sismologie, celle des moulages, d’égyptologie, les collections vivantes du Jardin botanique, etc. Elles ont un responsable, parfois un espace pour leur mise en public et une activité de médiation. Elles représentent déjà une très grande diversité.
Mais nous avons également une grande quantité de collections qui sont, soit orphelines, soit peu montrées au public : les cartes géologiques, les planches pédagogiques, les plaques de verre… Elles n’ont pas une visibilité ni une gestion bien définies. Certaines ne sont plus accessibles au public et ne portent plus d’activité de recherche. Dès qu’une collection perd sa dynamique d’enseignement ou de recherche, elle est en danger. Elle peut acquérir un statut patrimonial, mais cette transition peut se passer plus ou moins bien.
Que voulez-vous dire ?
En Europe, les collections universitaires sont souvent gérées par des scientifiques. Or, la gestion patrimoniale et la médiation culturelle sont des métiers à part entière. Certains des responsables se forment, nous sommes aussi là pour les accompagner. Mais l’enjeu pour l’université est de recruter des personnes formées à ces savoir-faire. Cette professionnalisation est un enjeu majeur pour les collections universitaires européennes. Les partenariats étroits avec les professionnels du patrimoine sont une autre manière d’avoir accès à des compétences difficiles à développer au sein de l’université.
On ne décrète pas la valeur patrimoniale d’une collection. On redécouvre ces objets et éventuellement on les qualifie de patrimoine
On ne décrète pas la valeur patrimoniale d’une collection. On redécouvre ces objets et éventuellement on les qualifie de patrimoine mais ce processus ne va pas de soi. Le rapport des scientifiques au patrimoine est ambigu, parce que les sciences sont synonymes de futur, d’innovation. Notre volonté est d’assumer cette perspective historique. Nous avons par exemple préservé une partie de l’instrumentation de la pile atomique, démantelée il y a quelques années, car elle témoigne de l’histoire de l’université, d’une pratique scientifique des années 1970 à 2000.
Pourquoi l’université tient-elle à ses collections ?
Le patrimoine participe à la construction de son histoire et de son identité. Il contribue aussi à son rayonnement international. Et vice versa. Les collections et les musées la positionnent comme un acteur culturel de premier plan. Cela participe à son attractivité et à sa visibilité dans son territoire.
Ces collections gardent de façon intrinsèque leur valeur pédagogique et scientifique, elles constituent en quelque sorte un grand instrument de recherche pour la construction de nouveaux savoirs dans des domaines pluridisciplinaires, en sciences expérimentales et sciences humaines. C’est une tendance forte à l’échelle européenne.
Le fond socio-culturel de l’Idex a soutenu plusieurs projets qui participent à une meilleure gestion et mise en public des collections et ont permis de renforcer le lien avec l’enseignement et la recherche. A plus long terme, l’Opération campus prévoit la construction d’un nouveau Planétarium et la rénovation du Musée zoologique pour créer un musée Homme, sciences et société. Les collections de paléontologie et de minéralogie, notamment, y seront réintégrées. Il s’agira d’un musée hybride, à la fois universitaire et municipal. Il donnera à voir la façon dont on produit les savoirs scientifiques, de la fin du 18e siècle à aujourd’hui. Il devrait voir le jour d’ici 2020.
A la différence des collections des musées de France, régies par un label et une loi, aucune obligation légale ne contraint les universités à conserver, inventorier et rendre accessibles leurs collections. Elles y sont encouragées, en particulier depuis les années 2000, par une recommandation du Conseil de l’Europe. Créés en 2001, deux réseaux participent aujourd’hui à la reconnaissance des musées et collections universitaires : Universeum, à l’échelle européenne, et le Comité international pour les musées et collections universitaires, comité thématique du Conseil international des musées. Deux réseaux dans lesquels le Jardin des sciences a des responsabilités.