Qu’elle concerne des ouvrages, des objets, des pièces de monnaie, des enquêtes ou des enregistrements audio, la numérisation du patrimoine obéit à trois grands objectifs : conserver les œuvres ou les traces du passé, les rendre accessibles et les valoriser.
L’Atlas linguistique et ethnographique de l’Alsace conçu par le Département de dialectologie alsacienne et mosellane de l’Université de Strasbourg et la bibliothèque numérique patrimoniale du Service commun de la documentation (SCD) témoignent de ces préoccupations.
Lorsque des documents rares, parfois uniques, sont fragiles ou détériorés, la numérisation offre une solution de substitution pour garantir l’accès à leur contenu ; mais, dans une société de plus en plus curieuse de son patrimoine, elle permet aussi de diffuser plus largement des trésors qui peuvent être accessibles en quelques clics. La multiplication des points d’entrée facilite d’ailleurs les recherches : c’est ainsi que les fichiers mis en ligne sur la bibliothèque du SCD sont également accessibles via Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF, grâce à un système de moissonnage des données.
Le patrimoine, cependant, ne s’appréhende pas aisément et le travail de médiation des professionnels du secteur demeure essentiel. Les bibliothécaires décrivent les fonds numérisés, comme ils le font du reste de leurs collections, afin de faciliter leur repérage et leur identification ; de la qualité des métadonnées qui leur sont associées dépend la visibilité des documents. L’Atlas linguistique et ethnographique de l’Alsace, quant à lui, offre une interface qui permet d’écouter des textes en alsacien tout en lisant leur traduction.
Les collaborations avec les chercheurs sont l’occasion d’ajouter une véritable plus-value scientifique : le SCD, par exemple, est aujourd’hui engagé dans un projet de numérisation de photographies d’archéologie et de pièces de monnaie antiques ; les compétences des chercheurs sont indispensables pour identifier ces objets et créer les métadonnées correspondantes.
L’intervention des spécialistes ne se limite cependant pas à la seule description des documents. Le tournant des humanités numériques a fait naître de nouvelles pratiques qui consistent notamment à enrichir, commenter et illustrer les contenus numérisés, autrement dit à les présenter dans le cadre d’un véritable travail d’édition critique.
Bien sûr, toutes ces opérations ont un coût : celui des solutions informatiques et de leur maintenance, celui des appareils de reproduction, celui, aussi, du stockage et de l’archivage, qui sont des questions d’autant plus importantes que la quantité de données ne cesse d’augmenter. Des personnels qualifiés sont mobilisés d’un bout à l’autre de la chaîne, de la sélection des documents à leur description et à leur mise en ligne. Pour les bibliothèques ou les institutions concernées, ces actions font partie intégrante de leur mission de conservation et de transmission du savoir.
Loin des stéréotypes, les métiers du patrimoine ont donc, aujourd’hui, clairement pris le virage du numérique ; ils s’y sont adaptés et ont su en tirer parti afin de répondre à une demande qui ne semble pas près de se tarir.