L’édition 2017 du forum Innovation et compétences sur la gamification et le digital learning a attiré 110 professionnels d’univers variés le 29 juin à Obernai. Preuve que ce phénomène intéresse. Mais est-ce une réelle avancée pédagogique ou un simple effet de mode ?
Digital learning, gamification… Ces anglicismes désignent, respectivement, une manière de concevoir l’apprentissage à l’ère du numérique et l’introduction des ressorts du jeu au service de la formation et du développement de compétences. Si le digital learning trouve ses racines dans le e-learning au début des années 2000, la gamification a, elle, rencontré le succès plus récemment.
« Selon moi, ce qui est intéressant c’est que l’on reconnaît l’intérêt du jeu pour la formation, confie Najoua Mohib, enseignant-chercheur en sciences de l’éducation* à l’Université de Strasbourg. Le jeu agit sur l’implication et l’engagement dans l’action, explique-t-elle. En France, par exemple, où les programmes de formation sont très académiques, il faut savoir motiver les étudiants ; le jeu peut alors créer une dynamique, une interactivité mais aussi procurer un certain plaisir pour aboutir à un apprentissage en profondeur. »
Quelle que soit la forme prise par le jeu, il existe aujourd’hui deux manières d’utiliser le virtuel. La première, connectée à la réalité, s’apparente à la simulation. « Elle est notamment utilisée dans les métiers où la sécurité matérielle ou humaine est en jeu et permet de s’exercer sans risques. » Si la seconde est totalement fictionnelle, elle a bel et bien un objectif réel. « Un serious game créé pour les agents de sécurité de l’industrie pharmaceutique leur permet, en se mettant dans la peau d’un héros de fiction, d’être sensibilisés aux risques de leur secteur d’activité. »
Pour avoir un effet positif l’introduction du numérique doit s’accompagner d’un vrai changement de pédagogie
Il y a pourtant quelques pièges à éviter. « Il faut, par exemple, prendre en compte le côté chronophage de ces outils qui peut en décourager certains. » Il y a aussi l’effet de mode. Dans l’éducation, de nombreuses technologies ont connu la gloire et ont finalement disparu. « On porte souvent de grands espoirs dans certains outils. Aujourd'hui, les croyances dans le super pouvoir des technologies se sont atténuées mais il peut encore arriver qu’une technologie émerge, suscite un engouement et finisse par passer. Pour avoir un effet positif, je suis convaincue que l’introduction du numérique doit s’accompagner d’un vrai changement de pédagogie », conclut Najoua Mohib.
Contraction entre le sérieux d’un objectif de formation et une dimension ludique, le serious game permet de former aux savoir-être et savoir-faire. « On l’a longtemps rapproché du jeu vidéo, les considérant comme des fictions, explique Sébastien Allain, docteur en sciences de l’éducation et en sciences de l’information-communication. Or, le serious game gagne à être ancré dans le réel et la pratique quotidienne à acquérir. Il y a donc intérêt à l’aborder comme un objet documentaire, où la réalité traverse le jeu. » L’intérêt des serious games est multiple : « C’est tout d’abord un levier de motivation qui permet de tenir l’attention. C’est aussi une philosophie où l’erreur est vue comme source d’apprentissage, une philosophie qui pourrait d’ailleurs traverser le monde de l’entreprise au-delà du jeu ! »