Mille fois plus courte que la femtoseconde, l’attoseconde : 10-18 seconde, un milliardième de milliardième de seconde… Un temps si bref que l’esprit humain peine à se le représenter. Un pas de plus vers l’infiniment court, la limite actuelle de ce que la science peut mesurer, utiliser, expérimenter.
Les physiciens travaillent sur l’attoseconde depuis une vingtaine d’années. Depuis l'invention du laser en 1960, on est passé en 50 ans de la milliseconde (10-3) à la femtoseconde (10-15). La recherche progresse de la même manière pour la femtoseconde et les femtolasers. « Nous en sommes aux balbutiements, nous sommes au même stade aujourd’hui pour l’attoseconde que dans les années 1990 avec les impulsions femtosecondes », confie Jean-Yves Bigot, directeur de recherche CNRS à l’Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (IPCMS). La femto- et l’attophysique sont son quotidien. Pour lui, « 200 femtosecondes, c’est un peu long » ; comme quoi, le temps est vraiment une notion toute relative !
À l’échelle femto, on peut observer le mouvement des atomes dans les molécules, à l’échelle atto, on pourra observer les mouvements des électrons dans les atomes.
L’objectif général est le même, nous apprend-il : observer les états de la matière en mouvement, que ce soit les vibrations des atomes, le mouvement des électrons ou les réactions moléculaires. Ces lasers permettent l’étude de phénomènes biologiques, chimiques ou physiques extrêmement brefs : photo-isomérisation de protéines, cassures de liaisons covalentes entre atomes, etc. À l’échelle femto, on peut observer le mouvement des atomes dans les molécules, à l’échelle atto, on pourra observer les mouvements des électrons dans les atomes.
Les enjeux de la recherche sur l’attoseconde sont, d’une part, de réussir à générer ces impulsions laser ultracourtes (on parvient à une centaine d’attosecondes à l’heure actuelle), à mesurer leur durée et d’autre part, de pouvoir observer des processus se déroulant en deçà de la femtoseconde. Il s’agit pour les physiciens des études de fonctions d’ondes quantiques ou des états excités des systèmes métalliques. C’est justement une des ambitions de Jean-Yves Bigot, spécialiste du femto et de l’atto- magnétisme. Son équipe développe un laser attoseconde, dans la continuité d'un projet financé par la bourse ERC (European Research Council) qu’il a obtenue en 2010.
L’infiniment court est-il réellement infini ? Peut-on atteindre un temps encore plus court ? Si l’on a déjà défini l’unité suivante, la zeptoseconde, le millième de l’attoseconde (10-21), elle reste purement conceptuelle pour l’instant, sa mesure et son expérimentation relèvent encore du fantasme pour le chercheur. « Mais tout ce que l’esprit humain est capable d’imaginer sera confirmé ou infirmé un jour… ».
Stéphanie Robert
Intervention de Pierre Gilliot (Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg) lors du colloque interdisciplinaire « Temps ».