octobre 2016

Les messagers de l’espace-temps

En 1915, la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein révolutionne les sciences : l'Univers se structure selon quatre dimensions, celles de l’espace et celle du temps. Cent ans plus tard, la détection des vibrations de l’« espace-temps », les ondes gravitationnelles, marque l’avènement d’une nouvelle ère astronomique.

L’espace et le temps se courbent et se déforment sous l’effet des masses. C’est à partir de ce postulat qu’Einstein relie au début du XXe siècle ces deux entités intuitivement indépendantes à travers une seule représentation mathématique : la théorie de la relativité générale. « À l’échelle de l’Univers, l’espace-temps peut être considéré comme un contenant constamment déformé par la distribution de son contenu (la matière, les astres, l’énergie…), explique Dominique Aubert, cosmologue à l’Observatoire astronomique de Strasbourg. Et lorsque quelque part dans cette structure, des masses et des déplacements considérables sont en jeu, l’espace-temps local oscille jusqu’à créer des vibrations, les ondes gravitationnelles, qui se diffusent à la vitesse de la lumière. »

Des fenêtres ouvertes sur l’histoire de l’Univers

Les astrophysiciens disposent désormais d’un nouveau messager d’observation de phénomènes jusqu’alors invisibles et lointains

Avec la première détection d’ondes en septembre 2015 par les interféromètres américains Ligo*, les astrophysiciens disposent désormais d’un nouveau messager d’observation de phénomènes jusqu’alors invisibles et lointains. « Ce premier signal, produit il y a 1,3 milliard d’années, correspond parfaitement au modèle théorique de la fusion de deux trous noirs, calculé à partir de la relativité générale », s’enthousiasme Benoit Famaey, spécialiste de la dynamique des galaxies à l’Observatoire astronomique de Strasbourg. « Les galaxies se sont constituées autour de trous noirs supermassifs, dont l’origine reste inconnue et qui atteignent plusieurs millions de fois la masse du Soleil. Si ces géants sont issus d’interactions entre des trous noirs de masses intermédiaires, des ondes gravitationnelles sont déjà en route. »

La prime enfance de l’Univers lui-même semble accessible, lorsque la matière était si dense qu’aucun rayonnement ne pouvait s’en échapper. « Pendant cette période dite d’inflation (une fraction de seconde après le Big-Bang), l’Univers a produit des ondes gravitationnelles qui ont laissé une très faible empreinte 380 000 ans plus tard dans le rayonnement cosmologique fossile (étudié par exemple par le satellite Planck), précise Dominique Aubert. Pour l’heure, la technologie actuelle ne permet pas de les détecter, mais l’aventure est loin d’être finie, nous n’en sommes qu’au début. »

Guillaume Thepot

La gravitation à l'épreuve des grandes échelles

Intervention de Benoit Famaey (Observatoire astronomique de Strasbourg) lors du colloque interdisciplinaire « Temps ».