Dater, localiser, identifier une civilisation, des objets, des monuments ou des habitats pour mieux comprendre les traces laissées par l’homme au cours du temps. L’archéologie sous toutes ses formes avec un dénominateur commun : l’adaptation des époques aux techniques et inversement.
« L’archéologue fouille les poubelles et pille les sépultures, affirme avec humour Loup Bernard, archéologue à l’Université de Strasbourg. Il travaille sur des restes. » Et pour dater ces restes il existe différentes méthodes de datations relatives ou absolues. Tout dépend de la période à laquelle on s’intéresse. Lorsque l’on étudie la préhistoire, aucune trace écrite pour vous aider à comprendre. Le chercheur travaille uniquement sur des artéfacts ; des objets manufacturés par l’homme, des sites, des tombes ou des maisons ou bien sur des écofacts, des traces laissées par l’environnement de l’époque. À partir du monde romain, l’archéologue peut travailler avec des textes laissés par les auteurs antiques. « Cela donne des canevas pour aider à dater » ; mais toutes les civilisations n’ont pas commencé à écrire au même moment, selon la région du globe où elles se situent. Loup Bernard s’est justement spécialisé en archéologie proto-historique qui se penche sur les peuples qui n’écrivent pas encore mais qui ont été décrits par d’autres auteurs. Ce fut par exemple le cas des celtes des territoires de Provence.
« En archéologie, les scientifiques utilisent beaucoup le comparatisme. Nous nous basons sur des listes d’objets ou de sites de référence pour essayer de décrypter ce que nous avons sous les yeux. Mais cela reste compliqué car selon que l’on travaille sur un site de fouilles à Lille ou à Marseille, les successions chronologiques sont différentes », souligne Loup Bernard. D’où son idée de créer un catalogue en ligne de données pour partager le plus largement possible les résultats des uns et des autres. « L’archéologue se confronte toujours à la question de savoir si ce qu’il trouve est le reflet de la vie courante ou non ? C’est en comparant différents corpus, différents résultats de fouille que l’on peut conclure. Il faut du temps, d’où l’intérêt de partager et compiler nos données. »
Les méthodes de datations absolues ont également beaucoup progressées au rythme du développement des technologies que ce soit en physique, en mathématiques ou dans le domaine environnemental. En plus de la mesure du célèbre carbone 14 ou de la dendrochronologie qui consiste à compter les cernes des arbres, toutes sortes d’éléments présents dans les objets sont scrutés. « Des analyses pétrochimiques ou d’alliages métalliques nous apprennent plus de choses sur les objets que ce que pouvait en connaître son fabricant ou son utilisateur de l’époque », commente Loup Bernard. Autre changement notoire, les archéologues sont par nature dans l’interdisciplinarité. « Aujourd’hui, on travaille systématiquement avec des géographes, des géomorphologues, des pédologues* qui nous apportent des informations précieuses sur les sols, notre base de travail. » Si l’interaction entre les différentes disciplines n’est pas toujours évidente car ni les temps de travail ni les échelles de temps étudiées ne sont les mêmes, il ne faut pas oublier comme le souligne Loup Bernard en s’adressant aux géographes que « nos archives sont dans vos archives et réciproquement ».
Anne-Isabelle Bischoff
* Spécialistes des sols.
Intervention de Jérôme van der Woerd (Institut de physique du globe de Strasbourg) lors du colloque interdisciplinaire « Temps ».