Un champ magnétique pour purifier les terres rares, voilà la trouvaille des physiciens Peter Dunne et Bernard Doudin de l'Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (IPCMS). Tout en étudiant le phénomène fondamental, ils cherchent à l'appliquer comme alternative à une industrie très polluante.
Jusqu'à 3,5 kilos de terres rares dans une voiture électrique, 3,5 grammes dans chaque ordinateur, et jusqu'à une tonne dans une éolienne... Les terres rares sont omniprésentes dans nos produits technologiques, y compris ceux en faveur de la transition écologique. Elles représentent 17 éléments métalliques, du lanthane au praséodyme, en passant par le néodyme ou le dysprosium. Elles sont communément utilisées dans l'industrie en raison de leurs propriétés électroniques, magnétiques ou optiques. « La demande ne cesse de croître, la Chine en détient le quasi-monopole et c'est une industrie très nocive (métaux lourds, solvants toxiques, radioactivité...), grande consommatrice d'eau, d'énergie et d'espace », commente Bernard Doudin.
Le recyclage et la recherche d'alternatives sont des enjeux cruciaux. Ce constat a incité le chercheur post-doctoral Peter Dunne à réorienter ses recherches. « J'étudiais les modifications de dépôts de couches minces métalliques sous champ magnétique. J'ai fait des essais avec les terres rares, j'ai réalisé que leur comportement variait selon leur propriété magnétique et pensé qu'il s'agissait d'une sorte de séparation, qui pouvait éventuellement servir à leur purification. » C'est ainsi qu'il rejoint l'équipe de Bernard Doudin, qui étudie depuis 2013 l'influence du champ magnétique sur les réactions électrochimiques, « une science à l'interface entre la chimie et la physique, explorée par très peu d'équipes dans le monde ».
Pour générer ce champ magnétique, Bernard Doudin s'est procuré un aimant de plusieurs kilos, justement produit en Chine avec des terres rares... « Le phénomène fondamental est très complexe. Nous cherchons à mieux cerner les problèmes pour ensuite mettre à profit nos connaissances pour des applications. » L'étude fondamentale est financée par la Fondation pour la recherche en chimie de Strasbourg, tandis que le développement d'une solution industrielle est accompagné par la Satt* Conectus. Le projet Remedy va consister à apporter la preuve de concept et à élaborer un prototype.
« Nous ne cherchons pas à révolutionner un processus industriel, mais à l'améliorer pour convaincre les investisseurs. »
« Nous ne cherchons pas à révolutionner un processus industriel, mais à l'améliorer pour convaincre les investisseurs. Ils n'aiment pas les changements radicaux. Notre solution s'insère dans le processus. Le minerai sera toujours dissous dans de l'eau acidifiée, mais nous proposons une technique beaucoup moins polluante, plus simple et efficace pour la purification », expliquent les physiciens. Ils pensent apporter une amélioration significative. « Ça peut être limité d'un point de vue fondamental, mais c'est pragmatique. Personnellement, je suis toujours en porte-à-faux entre mes ambitions scientifiques idéalistes et la réalité du marché. D'où l’intérêt d'être accompagnés par des experts en transfert de technologie, parce qu'on est toujours un peu trop révolutionnaire dans l'âme », sourit Bernard Doudin.
Stéphanie Robert
* Société d'accélération du transfert de technologies