Qu’est-ce que la discrimination indirecte ? Comment lutter contre la discrimination au travail ? Nicolas Moizard, directeur de l’Institut du travail, professeur de droit privé et de sciences criminelles*, fait le point sur ces questions.
Quelle est la différence entre discrimination directe et indirecte ?
Dans les entreprises privées ou au sein de l’administration, la discrimination peut s’exprimer de différentes façons : de manière directe lorsqu’une mesure prévoit une différence explicite de traitement, ou indirecte si elle s’établit sur un critère neutre tout en défavorisant des membres d’un groupe. La loi liste 21 motifs limitatifs dont l’orientation sexuelle, le handicap, la génétique ou encore la particulière vulnérabilité résultant d’une situation économique, mais aussi le sexe, l’origine, la religion et l’âge. L’employeur ne peut pas faire de différence de traitement sur la base de ces motifs. Pendant longtemps, les femmes ne pouvaient pas travailler de nuit dans l’industrie. Il y avait là une discrimination directe sur le motif ostensible de genre. La discrimination indirecte est plus difficile à cerner. Prenons l’exemple d’une prime favorisant les employés à temps plein. Sachant que 85 % des employés à temps partiel sont des femmes, ce critère neutre revient à discriminer les femmes et les jeunes mères.
Comment lutter contre ces discriminations ?
Il faut lutter contre les stéréotypes et changer les mœurs. C’est un travail de longue haleine.
Il faut analyser les politiques de l’entreprise pour cerner les pratiques discriminantes. Pour cela, et c’est la tâche la plus difficile, il faut identifier les groupes, repérer que dans le cas du temps partiel, ce sont les femmes qui sont défavorisées. Il faut un cadre de comparaison à l’échelle de l’entreprise, de la composante, de l’université, des universités françaises… Il est nécessaire d’établir des statistiques et de se faire accompagner par un expert pour les comprendre. Il faut lutter contre les stéréotypes et changer les mœurs. C’est un travail de longue haleine.
En quoi la crise sanitaire favorise-t-elle les discriminations au travail ?
La crise sanitaire renforce l'existence de catégories de salariés qui n'ont pas le même traitement au regard de l'exposition au coronavirus. Les employés de caisse subissent une différence de traitement parce qu’ils sont au contact du public. Ce sont principalement des femmes qui travaillent à temps partiel. Il peut donc y avoir une recherche de discrimination indirecte en raison du sexe voire de discrimination directe. Pendant le confinement, ce sont majoritairement les femmes qui ont assuré les tâches ménagères en plus de l’école aux enfants et du télétravail. Aujourd’hui, ce sont majoritairement les femmes qui prennent en charge le port du masque pour la famille. La discrimination continue !
Propos recueillis par Mathilde Hubert
* au sein du laboratoire Droit, religion, entreprise et société (DRES - UMR 7354, CNRS/Unistra)
Quatre cadres existent à l’université : l’Institut du travail avec des formations « sur-mesure » à destination des militants et des syndicats ; la recherche en droit social européen au sein de l'UMR 7354 - Droit, religion, entreprise et société (Dres) ; la Faculté de droit et un séminaire transdisciplinaire de lutte contre les discriminations pour les étudiants.