Miser sur l’entrepreneuriat des étudiants et des chercheurs reste une stratégie pertinente pour une université. Un moyen de se distinguer de ses concurrentes et de diffuser ses savoirs en démontrant qu’ils sont utiles et parfois économiquement exploitables.
Une université est par essence innovante car ses recherches et ses enseignements évoluent sans cesse. Mais si elle montre qu’elle accorde une place importante à l’innovation économique en favorisant l’entreprenariat des étudiants et des chercheurs, elle y gagnera en attractivité. « Les découvertes scientifiques et l’entrepreneuriat sont des facteurs d’attractivité pour les étudiants et surtout pour les chercheurs. Quand il s’agit d’attirer des talents et des personnalités prometteuses, les universités entrent en concurrence les unes avec les autres », observe Patrick Llerena, chercheur au Beta (Bureau d'économie théorique et appliquée), professeur à la Faculté des sciences économiques et de gestion et chargé de mission entrepreneuriat étudiant pour la présidence de l’université. Les campus ont donc intérêt à développer un environnement propice aux recherches, à la valorisation de ces recherches et à la création d’entreprises.
Depuis une dizaine d’années, on parle d’ « universités entrepreneuriales ». Une stratégie pertinente et même incontournable selon Patrick Llerena. « Pour une faculté c’est une façon de justifier sa propre existence car la valorisation des savoirs est une manière de diffuser des connaissances. » Il existe trois modalités de diffusion des connaissances, rappelle le chercheur : la formation, la diffusion des résultats de recherches via des publications scientifiques, et la création d’entreprises ou les collaborations avec les entreprises existantes, qui démontrent que les savoirs sont exploitables commercialement. Ces trois modes de diffusion sont importants. « Il serait dangereux de privilégier une voie par rapport à une autre », prévient-il.
« La valorisation des savoirs est une manière de diffuser des connaissances. »
Concernant l’impact de l’entrepreneuriat des chercheurs et des étudiants sur l’économie en général, il existe peu d’études. Les différents laboratoires et écoles qui composent l’université restent des structures indépendantes qui n’ont pas l’obligation de communiquer sur la création de start-up par exemple. Une innovation issue d’un laboratoire de recherche qui débouche sur la création d’une start-up, sera le plus souvent un projet porté par un doctorant ou un jeune chercheur. Et une fois son diplôme en poche, celui-ci n’apparaîtra plus dans les statistiques de l’université. « Nous avons encore moins de renseignements sur les étudiants qui sortent du cursus universitaire en créant une entreprise. Nous n’avons aucune visibilité sur ce qu’ils deviennent. Sauf s’ils sont inscrits au réseau des Alumni, le réseau des diplômés de l’Unistra, mais c’est encore une minorité. Donc toutes les études publiées sur ce thème sont probablement une sous-estimation de la réalité », affirme Patrick Llerena.
Quel est l’objet de l’entreprise que vous créez ?
Je prépare une thèse sur la comptabilité des flux de matières et d’énergie sur un territoire : quelles ressources sont mobilisées pour faire fonctionner l’économie ? C’est ce qu’on appelle le métabolisme territorial. Cela mobilise énormément de données, rendant l’exercice long et complexe. Afin de faciliter le travail, j’ai conçu un logiciel permettant d’agréger les données, de les restituer et de les analyser sous forme de graphiques ou de cartographies aisément interprétables. J’ai par exemple, étudié le rôle du port autonome de Strasbourg dans la dynamique logistique du territoire. J’ai rentré les statistiques du port, ainsi que l’enquête nationale sur le transport de marchandises d’un département à l’autre. À la sortie, grâce à mon logiciel, Sinamet, je sors une cartographie qui permet de mieux comprendre le trafic portuaire selon les marchandises, leur provenance ou leur destination. Une partie du logiciel fonctionne, il reste encore à le rendre plus ergonomique. Je pense qu’il peut être utile aux collectivités territoriales, aux bureaux d’études et laboratoires ou aux grandes entreprises. C’est pourquoi, j’aimerais l’amener sur le marché.
Comment êtes-vous accompagné ?
En avril 2019, j’ai été retenu parmi les lauréats du programme Mature your PhD de Conectus. Cela me permet d’être accompagné sur des sujets comme la propriété intellectuelle, le business plan ou l’état du marché. Si, à l’issue de ma thèse, Conectus juge le projet assez solide, je pourrai aussi bénéficier du financement d’un post-doctorat pendant 18 mois ainsi que de la prise en charge d’une partie du travail externalisé, pour finaliser le projet. Le fait de proposer aux jeunes de valoriser une idée me paraît très intéressant. En même temps, il est peut-être regrettable que la recherche publique ne soit pas elle-même capable d’assumer une part du risque.
Vous démarrez quand ?
Je dois d’abord présenter ma thèse d’ici à septembre 2020. Ensuite, si Conectus valide le projet, je pourrai me lancer.