février 2020

Start-up en macération collective

Le Biotech-Lab est un des six laboratoires du réseau fablab de l’université. Six start-up y peaufinent leur projet et testent leur viabilité. Certaines en sont déjà sorties, d’autres y arriveront.

Le projet SOL' développe des kits d'aliments à base de Kéfir dans le Biotech Lab
Le projet SOL' développe des kits d'aliments à base de Kéfir dans le Biotech Lab

On pénètre dans une sorte de très grand demi-tonneau lambrissé de bois et ouvert sur l’extérieur : c’est l’espace de coworking du Biotech-Lab de l’Ecole supérieure de biotechnologie de Strasbourg, au Pôle API. Il abrite aujourd’hui six start-up portées pour la plupart par des étudiants entrepreneurs ou des doctorants, dont Woodlight, spécialisée dans les plantes bioluminescentes, SOL’, qui propose des kits d’aliments écologiques à faire soi-même, et Borago, en train de lancer les premiers potagers électroménagers encastrables.

« Au départ, nous voulions produire des plantes bioluminescentes, explique Ghislain Auclair, président de Woodlight. Mais nous avions besoin d’apporter la preuve du concept. Nous avons proposé à l’université de créer un fablab. » Voilà comment est né, en octobre 2018, avec un cofinancement de l’Eurométropole et de l’Université de Strasbourg, le Biotech-Lab, depuis intégré au réseau fablab de l’Unistra.

Un réseau d’entraide

De l’autre côté du couloir par lequel on accède à l’espace de coworking, sont aménagés les laboratoires : un laboratoire biotech avec ses paillasses et ses pipettes et d’autres destinés à la biochimie ou au médical. Anthony Thirion, co-fondateur de Borago, y passe la moitié de son temps. C’est ici qu’il a conçu ses pousse-légumes que les restaurateurs strasbourgeois commencent à s’arracher. Dans un meuble qui ressemble à un lave-vaisselle dont la porte serait transparente, ils peuvent faire pousser les plantes aromatiques les plus exotiques. « Sans le Biotech-Lab, nous n’aurions jamais pu démarrer la partie recherche et développement du projet, reconnaît le jeune dirigeant. Et puis, entre startuper, nous avons souvent des problématiques communes et fréquentons les mêmes réseaux. D’autres sont en avance sur nous sur certains points : nous nous entraidons beaucoup. »

Dans l’autre aile du Pôle API, dans les étages de Télécom Physique Strasbourg, le fablab TPS propose lui, cinq laboratoires dédiés respectivement à l’électronique, au prototypage 3D, à la conception assistée par ordinateur ou à la mécanique. Même si ces labos sont plutôt destinés aux futurs ingénieurs, la démarche start-up n’est jamais très loin. « Je viens ici aussi par plaisir, avoue Augustin, étudiant en troisième année, en train de travailler sur le moteur d’un petit robot qui concourra bientôt pour la Coupe de France de robotique. Faire soi-même la découpe laser d’une pièce, c’est carrément magique. Et puis, qui sait, peut-être que je créerai moi aussi ma start-up d’ici quelques années… »

Six laboratoires ouverts

Sous l’égide de Pépite Etena, le réseau fablab de l’Université de Strasbourg réunit six fablab : le Végé-Lab, autour des sciences de la vie, le ChemLab concerne la chimie, le Transfo est spécialisé dans le design, le Biotech-Lab dans les biotechnologies, le fablab TPS dans la physique et le fablab Alsace Nord de l’IUT d’Haguenau.

http://entreprises.unistra.fr/

Les startupers en parlent

Philippe Lavalle
Philippe Lavalle

Philippe Lavalle, chercheur

Quel est votre projet ?

En 2013, le laboratoire Biomatériaux et bioingénierie de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), que je codirige, a découvert un peu par hasard que des revêtements antiinflammatoires sur lesquels nous travaillions alors présentaient également des propriétés antimicrobiennes. Or, à l’hôpital, plus d’une infection sur deux passe par un dispositif médical tel qu’un implant. Les bactéries apprécient les surfaces des matériaux : elles y adhèrent et prolifèrent. Dans le même temps, l’usage abusif des antibiotiques les rend plus résistantes. Nous avons donc décidé de fabriquer des revêtements antimicrobiens qui s’appliquent sur les dispositifs médicaux par trempage ou par vaporisation. Ils contiennent deux biopolymères : l’acide hyaluronique et la polyarginine. Le laboratoire a déposé quatre brevets sur cette technologie.

Comment se passe la création de l’entreprise ?

Avec mon collègue, Engin Vrana, nous avons créé Spartha Medical à l’automne 2019. Nous avons été financés par l’Institut Carnot Mica et la Satt Conectus. Nous avons également bénéficié d’une aide de la Commission européenne. Enfin, nous avons été accompagnés par l’incubateur Semia pour nos démarches juridiques, de recherche de fonds, d’élaboration du modèle économique, d’approche commerciale et de communication. Nous envisageons de signer les premiers contrats avec les fabricants d’implants en 2021, pour réaliser les premiers tests avec eux. Pour la mise sur le marché, nous devrons encore attendre cinq à six ans.

Que représente pour vous la génération start-up ?

Certains projets sont très sérieux et d’autres le sont moins. Il faut de vraies technologies de rupture pour espérer aller au bout. Les principales embûches sont financières. Comme la plupart des medtechs, durant les premières années, nous dépensons beaucoup d’argent sans en gagner. Les investisseurs sont là pour financer ce gap. L’écosystème strasbourgeois est par ailleurs, très favorable à l’émergence de nouvelles start-up : chaque structure exerce un rôle bien précis et de façon constructive.

Jean de Miscault