Comment la modélisation permet-elle de faire progresser la recherche pharmaceutique et médicale ? Réponse à l’Institut de génétique et biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC), au sein de l’équipe de modélisation moléculaire.
Au deuxième étage de l’Ecole supérieure de biotechnologie de Strasbourg, sur le campus d’Illkirch, sept chercheurs, post-doctorants, thésards, stagiaires… travaillent sur des ordinateurs, dont les écrans affichent de drôles de petits paquets de nouilles de couleur rouge, bleue ou verte. Il y a des chimistes, des pharmaciens, des chimistes informaticiens, des bio-informaticiens… Ce sont les « geeks » de l’équipe de modélisation moléculaire intégrée au département de biologie structurale intégrative de l’IGBMC. « Notre travail consiste à modéliser la structure tridimensionnelle des protéines et des complexes qui composent la cellule », explique Annick Dejaegere, responsable de l’équipe. Mais une molécule, ce n’est pas quelque chose de statique, c’est dynamique, ça bouge, ça répond à des signaux ou ligands, ce qui a des conséquences sur les molécules voisines.
« Nous, nous utilisons le virtuel pour simuler le mouvement des protéines et observer comment cela fonctionne au niveau moléculaire », précise justement la chef d’équipe. Et elle montre un écran sur lequel apparaissent trois images de structures en hélices, façon fusilli. Première image : on voit une structure sans signal. Deuxième image : un signal a été envoyé, on constate que la protéine change de forme. Troisième image : la protéine relaye le signal, elle va interagir avec d’autres protéines. « La modélisation permet de comprendre comment le signal agit au niveau des détails atomiques, détaille Annick Dejaegere. Nous sommes dans les mécanismes chimiques du vivant. »
Les méthodes sont de plus en plus puissantes, les prédictions de plus en plus fiables…
Les applications pour la recherche médicale sont innombrables. L’équipe de modélisation moléculaire de l’IGBMC est par exemple intégrée aux grandes chaînes de recherche sur la leucémie, le cancer de la vessie ou le diabète. Et l’augmentation des puissances de calcul des ordinateurs permet de simuler des situations de plus en plus complexes sur des échelles de temps de plus en plus longues. Une fois que les réactions, par exemple médicamenteuses, ont été testées de manière virtuelle, l’équipe peut préconiser à ses collègues de la recherche pharmaceutique et médicale les hypothèses qui lui paraissent les plus pertinentes. Les méthodes sont de plus en plus puissantes, les prédictions de plus en plus fiables… ce qui n’empêche pas au final de devoir confirmer les hypothèses sur le vivant.
Le temps où les chercheurs travaillaient sur des petits modules en plastique à la manière de jeux de construction semble bien révolu, même si Annick Dejaegere en a toujours une boîte pleine dans son bureau, ne serait-ce que pour apporter les premières explications à ses étudiants. Aujourd’hui, tout se joue en 3D. « Nous sommes des cinéastes du vivant, décrit la responsable. Nous réalisons des animations dynamiques 3D que nous interprétons ensuite. L’interprétation de nos films fait appel à la biologie, la chimie, l’informatique et la physique. »