A l’Institut d’égyptologie de Strasbourg, la 3D est de plus en plus utilisée sur le terrain des fouilles mais aussi pour modéliser les objets. Reste à rendre accessible les bienfaits de cette technologie au plus grand nombre.
« Quand on débute dans l’archéologie, on vous dit que réaliser une fouille, c’est un peu comme lire un livre, dont on arracherait les pages, raconte Frédéric Colin, directeur de l’Institut d’Egyptologie de Strasbourg. Chaque couche de terrain correspond à une page. Le métier de l’archéologue, c’est de produire des données sur chacune de ces couches. » Prenez un carré de fouille. Vous mettez deux ou trois jours pour révéler une première page et tout d’un coup tout s’arrête : les archéologues prennent des photos, font des croquis, tirent des plans… cela prend plus ou moins de temps selon la quantité et la précision des données que vous voulez produire.
Avec la 3D, je vais enregistrer ce qu’on peut comparer à une ‘’scène de crime’’ sous toutes ses coutures
Et c’est là que la technologie intervient. Selon l’égyptologue strasbourgeois, l’archéologie a bénéficié depuis le XIXe siècle de trois innovations majeures : la photo, la photo numérique et la photogrammétrie 3D. « Sur une campagne de fouilles, grâce au numérique, je vais prendre des milliers de photos, que j’intégrerai ensuite au laboratoire dans une base de données relationnelle. Avec la 3D, je vais enregistrer ce qu’on peut comparer à une ‘’scène de crime’’ sous toutes ses coutures. Au retour au laboratoire, le logiciel reconstruit le positionnement dans l’espace de milliers de points, il localise précisément les formes et les reliefs. » La 3D permet de revoir virtuellement le terrain après la fouille, d’accéder à des données éloignées géographiquement en un seul clic.
Encore faut-il justement pouvoir accéder à ces données. C’est la nouvelle étape à laquelle s’est attelé l’UMR 7044 Archimède : valoriser ces résultats notamment dans les revues électroniques où les photos ne sont encore disponibles qu’en 2D. Les chercheurs du laboratoire préparent donc des protocoles de publication pour que les lecteurs aient accès aux objets en 3D, au moins via un lien référencé par un identifiant. Depuis 2017, six étudiants se succèdent de mois en mois pour modéliser des objets de la collection déjà publiés. En s’appropriant cette technologie, l’UMR entend enrichir trois aspects des missions de l’Institut d’égyptologie : la démarche scientifique par la numérisation sur le terrain et dans les publications, la formation des étudiants et la diffusion des collections, notamment auprès des élèves des écoles strasbourgeoises et alsaciennes qui visitent chaque année les trésors de l’antiquité égyptienne. Objectif : présenter d’ici la fin de l’année une première galerie de six ou sept pièces entièrement modélisées sur le site de l’Institut.
Le 28 novembre 2016, la statue de Ramsès II, une des pièces les plus emblématiques de la collection égyptienne de Strasbourg (2,50 mètres de haut, 3 tonnes de diorite noire), quittait le Palais universitaire, direction le Landes Museum de Karlsruhe pour une exposition de six mois. Frédéric Colin en a profité pour lancer un important travail de modélisation : en tout plus de 600 clichés qui constituent une image virtuelle, mais ô combien réaliste du grand roi égyptien. A voir prochainement sur le site de l’Institut d’égyptologie.