octobre 2017

Architecture : simuler le soleil et la lumière

Une « boîte à miroirs » et un « simulateur de course solaire » vont permettre aux étudiants, aux enseignants et aux chercheurs de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Strasbourg (Ensas) de créer et d’expérimenter les ambiances lumineuses dans l’architecture.

Installation d’une maquette au sein de la boîte à miroirs du Centre scientifique et technique de la construction à Limette en Belgique. © Centre scientifique et technique de la construction - Belgique
Installation d’une maquette au sein de la boîte à miroirs du Centre scientifique et technique de la construction à Limette en Belgique. © Centre scientifique et technique de la construction - Belgique

Diffuse ou directe, la lumière est une composante essentielle dans l’architecture, indispensable à la mise en valeur d’un édifice ou d’un intérieur. D’où le grand intérêt de disposer d’outils permettant de confronter les maquettes à toutes sortes d’environnements lumineux, afin de concevoir le meilleur projet architectural. En s’appuyant, avec l’Amup1, sur le laboratoire Lumière, sélectionné parmi les porteurs de projets financés par les Investissements d’avenir (Idex), l’Ensas se pose en pionnière parmi les écoles d’architecture françaises. « Jusqu’à présent, les étudiants devaient se rendre à Louvain, en Belgique, pour expérimenter les paramètres liés à la lumière », explique Levin Erbilgin, ingénieur en photonique et responsable technique du projet.

Concrètement, deux dispositifs de simulation rattachés au laboratoire de recherche sont conçus à l’Ensas dès la fin de l’année 2017 et mis à disposition à la rentrée 2018, permettant de produire à la demande des conditions d’éclairements variables. Une mirror box, ou boîte à miroirs, qui se présente sous la forme d’un cube d’environ 3 mètres de côtés, permettra aux étudiants, enseignants et chercheurs de « créer les conditions d’une luminance qui décroit du zénith vers l’horizon », en proposant une visualisation des éclairements et des ombrages dans les conditions d’un ciel couvert. Les normes CIE (Commission internationale de l’éclairage) ont imposé des études préalables pour optimiser le choix des sources, des miroirs, ainsi que la distance optimale entre le plateau d’expérimentation central (qui supporte la maquette) et le plafond (qui abrite les sources lumineuses).

Scénarios fictifs, situations virtuelles

En travaillant sur des scénarios fictifs et en produisant des situations virtuelles, nous serons à même de tester la capacité des matériaux à absorber et diffuser la lumière.

La mirror box peut éclairer de manière diffuse et homogène une maquette de masse ou de détail équipée de capteurs. Des caméras et des outils de mesures permettent ensuite de tracer une cartographie précise de l’éclairement dans les conditions d’un ciel couvert et permet de vérifier les effets produits sur l’architecture. « En travaillant sur des scénarios fictifs et en produisant des situations virtuelles, nous serons à même de tester la capacité des matériaux à absorber et diffuser la lumière. Et nous pourrons produire nous-mêmes des données de recherche fiables », précise Levin Erbilgin.

Un deuxième équipement, le simulateur de course solaire, viendra compléter cette mirror box. Ce simulateur aide notamment à contrôler la pénétration du soleil et il permet de simuler des environnements naturels. « Une structure mécanique reconstitue la trajectoire du soleil en créant un soleil artificiel, complété par un ciel lui aussi artificiel et paramétrable. Un procédé de pixel mapping permet de restituer l’image en contrôlant chaque source lumineuse. » Le soleil artificiel (qui vise le centre d’un plateau d’expérimentation) est abrité dans un cube d’environ 5 mètres dont les murs et le plafond sont tapissés de 5000 sources Led afin de simuler toutes sortes de ciels. Une caméra est placée à différents endroits et toutes les positions géographiques du monde entier, à tous les moments de la journée et de l’année, sont paramétrables.

La mirror box et le simulateur de course solaire, développés par l’Ensas de Strasbourg en partenariat avec l’École télécom physique Strasbourg, pourront être partagés avec les établissements du contrat de site, du Grand Est et du campus européen. Il n’est pas exclu de les ouvrir ultérieurement à des entreprises de la filière de la construction et de l’aménagement du territoire dans le cadre de leur stratégie de « Recherche, Développement et Innovation ».

1 L’AMUP - Architecture, Morphologie/Morphogenèse Urbaine, Projet, unité de recherche interdisciplinaire composée d’architectes, d’urbanistes, de sociologues d’anthropologues, d’artistes, de géographes, de philosophes et d’économistes.

Modélisation de la boîte à miroir. © Centre scientifique et technique de la construction - Belgique
Modélisation de la boîte à miroir. © Centre scientifique et technique de la construction - Belgique

Collaboration pluridisciplinaire

La mirror box et le simulateur de course solaire ne tombent pas du ciel : ils bénéficient de huit années d'études menées par l'atelier De Lumine, un enseignement de master dédié à la question de la lumière et des ambiances en architecture. L’Ecole télécom physique Strasbourg est la partenaire principale du projet, avec un apport scientifique d’enseignants-ingénieurs notamment pour la définition des sources lumineuses. La Région Grand Est, intéressée par cette dynamique, participe au financement du poste du responsable technique du laboratoire.

L’un des gros enjeux de cet équipement est qu’il s’appuie sur une collaboration pluridisciplinaire entre architectes et ingénieurs. Une dualité enrichissante, qui va demander de familiariser les enseignants à ces nouveaux outils et aussi d’intégrer leur utilisation dans la formation des étudiants.

Myriam Niss