octobre 2019

L’IA pour scruter la dynamique de la surface terrestre

Données massives, observation de séismes et télédétection satellitaire… Trois chercheurs de l’Ecole et observatoire des sciences de la Terre (Eost) expliquent comment l’intelligence artificielle intervient dans leurs pratiques.

Apprentissage machine appliqué à des images satellite Sentinel-2 pour détecter les glissements de terrain déclenchés par le cyclone Idai au Mozambique en mars 2019.
Haut : image source. Bas : résultat du traitement avec la probabilité de bonne reconnaissance.

« De nos jours, il y a des réseaux de capteurs partout dans le monde. En sismologie, nous avons des chroniques extrêmement longues avec des enregistrements en continu. Une aide numérique pour l’analyse est nécessaire », explique Clément Hibert qui précise que l’intelligence artificielle est apparue dès les années 1970-1980 dans ce domaine avant d’exploser depuis 2010.

Mouvements des glaciers, glissements de terrain, détachement d’un iceberg provoquant un tsunami… « L’IA a ouvert un nouveau champ de la sismologie environnementale qui permet de détecter des événements imperceptibles auparavant et ainsi mieux comprendre les phénomènes déclencheurs. »

L’IA à la place de l’Homme ?

Une des autres capacités de l’IA est de ré-analyser des chroniques anciennes longues de plusieurs décennies : « En recensant les glissements de terrain en Alaska, les chercheurs ont observé qu’ils avaient augmenté ces dernières années. Nous essayons alors d'identifier de possibles corrélations avec le réchauffement climatique. »

La machine pourrait-elle remplacer l’Homme ? « Pour moi, c’est un nouvel outil. Nous avons besoin de catalogues construits par l’Homme pour entraîner la machine, c’est ce qu’on appelle l'apprentissage machine. Après quelques années de tests, l’algorithme fonctionnera peut-être seul mais il y aura toujours besoin de quelqu’un pour vérifier. » Quid des erreurs ? « Il y a trois ans, nous avions fait regarder des signaux sismologiques à des experts, avec un taux d’accord de 90%, nous estimons que c’est un taux acceptable pour les machines. »

Témoignages

Alexandra Renouard, un catalogue sismique automatique

Alexandra Renouard étudie la sismicité du nord-est de la France à cheval avec l’Allemagne et la Suisse. « Cette région est mal connue du point de vue des sources de déclenchement des séismes. » Depuis 2016, un déploiement de stations temporaires et permanentes dans la région lui permet d’élaborer un catalogue sismique plus précis et ainsi détecter les séismes de plus faible magnitude. « Dans les données obtenues, il y a beaucoup de fausses alarmes et de bruits, l’utilisation de l'apprentissage machine me permet de trouver des critères sélectifs pour distinguer les “vrais événements“ des autres », souligne la doctorante.

Jean-Philippe Malet, une infrastructure de calcul dédiée

Depuis 2016, Jean-Philippe Malet participe au montage de la plateforme multi-laboratoires A2S (Applications for Satellite Survey; Eost-ICube-Live). Un projet qui permet aux chercheurs de se doter d'une infrastructure de calcul dédiée pour observer les changements de la surface terrestre, tels que les mouvements du sol, les stocks d'eau ou l'urbanisation.

Traitement rapide, classification automatique et homogène de flux d'images, l’IA en télédétection satellitaire représente pour lui la fiabilité. « Dans un processus de classification, une personne n’a pas la même attention le matin qu’à 16h de l’après-midi », sourit le chercheur.

Marion Riegert