Les processeurs multi-cœurs sont de plus en plus puissants. Adapter les logiciels pour qu’ils puissent tirer avantage de telles machines, voilà le métier de Philippe Clauss, chef de l’équipe projet Compilation pour les architectures multi-cœurs (Camus), au sein du laboratoire des sciences de l'ingénieur, de l'informatique et de l'imagerie (ICube). Quid de l’IA dans tout cela ?
Pourquoi augmenter la puissance des processeurs et des logiciels ?
Les travaux de recherche sur l’intelligence artificielle dans les années 1980 ont donné naissance à des systèmes conceptuellement « intelligents », mais limités par la puissance des ordinateurs de l'époque. Aujourd’hui, on est à une échelle largement supérieure et l’IA est gourmande en ressources matérielles. Les constructeurs développent des processeurs de plus en plus puissants et rapides. À partir des années 2000, ces unités de calcul sont devenues « multi-cœurs », c’est-à-dire capables de réaliser plusieurs tâches en même temps. Le problème est d'adapter les logiciels afin qu'ils en tirent parti et soient plus performants : ils doivent être « parallélisés », la plupart étant conçus pour s'exécuter de manière séquentielle sur un seul cœur. Nous avons par exemple, augmenté la vitesse d’exécution du logiciel de simulation d’opérations chirurgicales de l’équipe projet Mimesis, pour visualiser les gestes chirurgicaux en temps réel.
Par quelles méthodes ?
Nous utilisons des techniques d'analyse et de transformation automatiques des logiciels, que l’on pourrait qualifier d’intelligence artificielle en quelque sorte. Il s’agit principalement d’analyser les dépendances entre les instructions et de déterminer celles qui peuvent être réalisées en parallèle. Deux approches : statique et dynamique, qui modifient le logiciel avant ou pendant son exécution, respectivement. Les deux peuvent aussi s’utiliser simultanément, car selon les données d’entrée, le logiciel peut présenter différents comportements.
L’IA dépasse déjà largement nos capacités
L’IA repose sur des ordinateurs de plus en plus puissants. À votre avis jusqu’où cela peut aller, quels en sont les risques ?
L’IA dépasse déjà largement nos capacités, elle résout des problèmes où l’humain ne comprend pas forcément la logique par laquelle elle y est arrivée. C’est bien plus aléatoire que de résoudre une équation mathématique. On va loin, avec le cloud notamment qui met en réseau des machines de plus en plus puissantes, capables d’exploiter un volume de données énorme à des vitesses toujours plus importantes. Il y a des logiciels par exemple qui prédisent l’avenir en traitant les données des 200 dernières années. Les risques, ce serait de tout prendre pour parole sainte, répéter les mêmes choses que par le passé, également d'uniformiser la pensée et les comportements. On pourrait devenir esclaves de l’IA.
Le 16 janvier 2019, l’Institut national de recherche dédié aux sciences du numérique (Inria) et l’Université de Strasbourg ont signé un accord cadre. Le but ? Structurer les relations établies et renforcer leurs projets communs de recherche scientifique avec de l’Institut de recherche mathématique avancée (équipe Tonus) et le laboratoire ICube (équipes Camus et Mimesis). L’accord prévoit de développer plus spécifiquement les projets à l’interface entre l’intelligence artificielle et la santé.