Comment les bibliothèques gèrent-elles la question de la durabilité entre conservation, numérisation et développement durable ? Réponse avec Benjamin Caraco, directeur adjoint des bibliothèques universitaires de Strasbourg.
En prenant en compte les questions de développement durable, comment arbitrez-vous entre numérisation et conservation physique des documents ?
Depuis plusieurs décennies, une part importante de nos collections a migré en ligne, soit via la numérisation de certains de nos documents, soit surtout via l’abonnement et l’acquisition de ressources en ligne, en grande majorité des revues scientifiques. Mais la demande de documents imprimés reste très forte en premier cycle et dans des disciplines comme les lettres, langues, sciences humaines et sociales.
Nous sommes donc en constante réflexion pour savoir quels documents nous devons garder au format papier ou en version numérique – d’autant plus que nous avons des contraintes de place et que nous sommes dans une ville où le foncier est assez cher. Cela pose également des questions économiques et environnementales. Car nous avons des contraintes de chauffage et de climatisation, surtout pour les collections patrimoniales, qui restent fragiles et doivent être conservées de manière homogène en termes de température et de niveau d’humidité. Mais la conservation des documents numériques n’est pas neutre en termes énergétiques non plus, puisqu’elle implique de stocker dans des serveurs qui consomment de l’énergie. Suivant la source de cette dernière (fossile ou renouvelable), l’empreinte carbone de l’achat d’un livre papier ne sera pas forcément plus importante que celle d’un ouvrage numérique.
Sur quels critères se basent vos choix de conservation de tel ou tel ouvrage ?
Nos choix sont principalement dictés par notre charte documentaire de site et nos missions. Pour les revues scientifiques, nous travaillons en réseau avec l’ensemble des Bibliothèques universitaires (BU) françaises. Ainsi, les BU de Strasbourg se sont engagées à conserver des publications dans certains des domaines d’excellence de l’université. Nous avons également des ressources mutualisées entre bibliothèques universitaires que nous pouvons nous communiquer via le prêt entre bibliothèques. Cela permet de réaliser des économies d’un point de vue environnemental et monétaire. Ensuite, selon les disciplines, des éditions d’ouvrages sont renouvelées régulièrement, par exemple les codes juridiques, des manuels en médecine ou pour les concours, etc. Nous donnons alors les livres à des associations. Sinon, les critères de « désherbage » se fondent sur l’usage, l’état général des ouvrages, l’obsolescence du contenu et leur rareté. Nous suivons aussi attentivement l’évolution de l’enseignement et de la recherche à l’Université de Strasbourg, afin de répondre au mieux aux besoins documentaires qui en découlent.
Tous les ans, le stock de livres des bibliothèques est-il en augmentation ou en stagnation ?
La tendance est plutôt à la croissance. Malgré le développement exponentiel de l’offre numérique au cours des vingt dernières années, l’offre papier – en ce qui concerne les monographies – a crû elle aussi au cours de la même période. Même si nous échangeons avec d’autres bibliothèques et si nous « désherbons », nous commençons à arriver à saturation. Et pourtant nous avons plusieurs lieux de stockage, appelés magasins, dans les sous-sols des bâtiments de l’université, qui représentent plusieurs dizaines de kilomètres linéaires.
Propos recueillis par Julie Giorgi