À l’heure où la physique moderne est capable de mesurer le temps avec une infinie précision, il semble paradoxalement s’étirer ou se contracter selon les personnes. Pourquoi chacun perçoit-il le temps différemment ?
« Le temps est une dimension cachée qui existe dans tout ce que nous faisons », explique Anne Giersch, directrice de l’unité de recherche Neuropsychologie cognitive, physiopathologie de la schizophrénie (Inserm – Unistra). Le temps n’est pas unique mais prend plusieurs formes : le temps biologique des rythmes circadiens ; le temps conventionnel des jours de la semaine, des mois et années ; le temps présent qui s’écoule. Autant de temps avec lesquels nous jonglons en permanence et qui possèdent différentes dimensions.
Si la durée elle-même peut être estimée de manière relativement fiable par l’homme, le sentiment du passage du temps peut en être déconnecté.
L’homme a conscience du temps qui passe grâce à un mécanisme neuro-physique dont la mécanique précise peine à être établie avec certitude. Selon certains scientifiques, l’horloge interne permettrait l’accumulation temporelle, qui, elle-même, engendrerait la perception subjective de durée. Ce processus nous permettrait aussi d’éprouver un sentiment de passage du temps et de l’exprimer. Si la durée elle-même peut être estimée de manière relativement fiable par l’homme, le sentiment du passage du temps peut en être déconnecté. C’est ainsi que l’on peut avoir le sentiment que le temps est passé vite à propos d’un événement d’une durée objectivement longue.
Sylvie Droit-Volet, professeur de psychologie à l’Université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, a étudié les facteurs qui influencent notre perception du temps. Elle en retient deux qui sont déterminants : notre état émotionnel et notre attention.
Quand nous sommes heureux, le temps nous paraît passer plus vite. À l’inverse, quand nous sommes dans une situation de stress, notre acuité se développe, donnant le sentiment que chaque événement a une plus longue durée. Notre état émotionnel nous est propre mais peut varier selon nos interactions sociales, notamment les relations avec notre entourage proche.
L’attention joue également un rôle dans notre perception du temps. Selon l’activité que nous menons et l’attention qu’elle nous demande, nous accordons alors plus ou moins d’importance à l’écoulement du temps. « Si l’on fait des activités passionnantes, le temps va passer très vite. Si à l’inverse on s’ennuie, on ne fait rien, on désespère. Dans ce cas-là il y a un ralentissement du temps », indique Sylvie Droit-Volet.
Ces deux facteurs démontrent le côté intimement personnel et subjectif de notre rapport au temps. Chacun l’aborde selon sa sensibilité, son état d’esprit et sa concentration. Et ce n’est pas un hasard. Comme le rappelle Sylvie Droit-Volet, « le temps est fondamental pour l’homme car il donne un sens à sa vie ».