Sur la plateforme virtuelle Ever, auteurs, enseignants, étudiants… se retrouvent dans une librairie ou une bibliothèque virtuelle pour découvrir de nouveaux modes de lecture. Chacun vient avec son avatar pour explorer la réalité augmentée de la littérature.
En mars 2000, Lorenzo Soccavo se balade dans les allées du Salon du livre, à Paris. Il tombe en arrêt devant le stand de la société Cytale d’Erik Orsenna et Jacques Attali, qui présente le Cybook, projet de livre électronique, qui a depuis fait faillite. Celui qui se présente aujourd’hui comme un prospectiviste du livre raconte ce qu’il a ressenti : « Je me suis dit : il se passe quelque chose d’au moins aussi important que l’invention de l’imprimerie. Cela peut modifier de fond en comble les pratiques de lecture. » Si le projet de livre électronique n’a pas survécu, Lorenzo Soccavo lui, continue d’explorer les nouveaux territoires de la lecture dans le cyberespace.
Chercheur associé à l’institut Charles Cros (Seine-Saint-Denis), dédié aux mutations de l’image et du son, il a trouvé un terrain d’exploration presque illimité sur Ever, la plateforme virtuelle immersive de l’université numérique en Alsace. Il y a créé deux nouveaux espaces virtuels : « ma librairie en 3D » et la méta-bibliothèque numérique. « Quand vous vous rendez sur le site web d’une librairie, l’expérience reste limitée, raconte l’explorateur : vous vous retrouvez devant une liste de livres, avec un moteur de recherche à thèmes, vous êtes seul. » Avec la méta-bibliothèque numérique, Lorenzo Soccavo reproduit les conditions de la réalité. Par le biais de son avatar, l'internaute se retrouve projeté dans la réplique fidèle d'une bibliothèque universitaire : il s’y déplace, donne rendez-vous à des étudiants, à des enseignants, parle avec le bibliothécaire, qui ont également leurs avatars.
« L’idée, explique Lorenzo Soccavo, c’est de se retrouver et d’échanger dans un même environnement malgré la distance physique. »
En janvier 2015, le prospectiviste du livre avait invité qui voulait à se retrouver pour un café littéraire dans « ma librairie en 3D » : une romancière québécoise avait présenté un de ses romans à des auditeurs venus d’Italie du Nord, d’Israël, de Strasbourg… « L’idée, explique Lorenzo Soccavo, c’est de se retrouver et d’échanger dans un même environnement malgré la distance physique. » Mieux, la 3D augmente la réalité : on passe en un clic du campus à la librairie, une fois dans la librairie on part faire un tour dans les rues du quartier, on revient, on s’installe devant un ordinateur, où cette fois on surfe sur la 2D. Et de s’interroger : « Dans quelle mesure, le lien existant entre la personne et son avatar, pourrait-il être comparé à celui qui lie le lecteur avec la partie de lui-même qu’il projette dans le roman qu’il est en train de lire ? » Vertige intersidéral de la littérature du cyberespace !
Les comédiens d’Adret Web Art, collectif porté sur le récit et l’innovation numérique, sont des habitués de la médiation théâtrale sur Internet. Avec Lorenzo Soccavo, ils sont eux aussi passés à la 3D : ils ont monté « Lire en chœur ». Auteurs, acteurs, chroniqueurs, auditeurs… tous les avatars de ce petit monde se retrouvent dans un studio d’enregistrement virtuel. Les auteurs lisent des extraits de leurs œuvres, les acteurs lisent L’homme qui rit de Victor Hugo et les auditeurs aussi peuvent s’essayer à la lecture à haute voix. C’est la fête de la lecture virtuelle !