Une monnaie complètement virtuelle, générée automatiquement par la puissance du calcul informatique, le bitcoin cherche à s’imposer comme un système monétaire parallèle, échappant à toute régulation. Entre utopie et réalité, décryptage avec deux chercheurs du Beta (1), Moïse Sidiropoulos et Meixing Dai.
Le bitcoin est apparu en 2009, quelque temps après la crise mondiale des subprimes. Coïncidence ? Ce n’est pas l’avis de Moïse Sidiropoulos. « Ses créateurs poursuivent un objectif : l’émergence d’une monnaie qui échappe au contrôle des Etats et ainsi l’assurance que les citoyens se réapproprient leur devise », explique-t-il. Adossé à un système cryptographique complexe, le bitcoin permet à tout un chacun d’effectuer de manière sûre des transactions entre pairs, sans passer par un tiers. Ainsi l’argent ne peut être ni tracé, ni taxé par un pouvoir central. Et l’avantage pour les utilisateurs est tout à fait tangible. « Pour une transaction classique en bitcoin, le montant des frais s’élève à 0,0001 BTC soit 5 centimes d’euros. Là où des services bancaires classiques (Mastercard, Visa, Paypal ou Western Union etc.) prélèvent des commissions allant de 1,5% à 7,5% du montant total de la transaction selon les pays, » renchérit le chercheur.
Une utopie libertaire à portée de main ? Cela n’est pas certain à en croire Meixing Dai : « En limitant arbitrairement le nombre de bitcoin à 21 millions de devises émises, ses inventeurs ont créé un effet de rareté. » Dès lors, la valeur du bitcoin ne fait qu’augmenter (voir encadré). « Le cours de la monnaie, dépendant du nombre de transactions et de devises en circulation est extrêmement volatile, il change plusieurs fois par jour. Ce qui rend son utilisation pour des sites marchands très compliquée. » Là où un pouvoir politique tel que la banque centrale n’hésitera pas à intervenir pour stabiliser les cours, le bitcoin soumis aux seules lois du marché devient l’objet de spéculations effrénées.
« Aucune instance ne se porte garante de son cours. Si cette monnaie vient à disparaître, ce qui est tout à fait possible, les utilisateurs n’auront aucun recours »
Les deux chercheurs préparent une analyse sur les usages de la monnaie virtuelle pour la revue grand public OPEE (2). Ils y démontrent que le bitcoin ne satisfait pas une fonction essentielle à toute devise. « Aucune instance ne se porte garante de son cours. Si cette monnaie vient à disparaître, ce qui est tout à fait possible, les utilisateurs n’auront aucun recours », assène Moïse Sidiropoulos. L’identité même de son créateur, qui se présente comme un certain Satoshi Nakamoto, reste inconnue. Les Etats se montrent frileux et perçoivent parfois ce contre-pouvoir comme une menace. A raison si l’on en croit le début de krach suscité par l’interdiction de cette monnaie en Chine, en 2013. La Thaïlande a opté pour son interdiction également, tandis que les USA la considèrent comme un actif, ainsi soumis à l’impôt. Quand à l’Union européenne, elle accepte son statut de monnaie virtuelle et regarde l’évolution des usages à bonne distance. Une attitude raisonnée puisqu’en 2016, seul 10% des transactions en bitcoin étaient réalisées sur des sites marchands. Pour le moment, le bitcoin tient plus des bits que des coins.
(1) Bureau d’économie théorique et appliquée
(2) Observatoire des politiques économiques en Europe, bulletin grand public, édité par les chercheurs du Beta.
À sa création en octobre 2009 : 1 BTC équivaut à 0,00071 €
En mai 2017 : le bitcoin passe la barre des 2000 €