Jean-Yves Marc, directeur de l’Institut d’archéologie classique et conservateur de la collection, a décidé de sortir de leur torpeur les 20 000 plaques de verre stockées au sous-sol du Palais universitaire en les mettant en ligne. Objectif : faire appel au public pour retrouver l’origine de certaines de ces photographies. Un travail participatif et ludique lancé prochainement.
Dans une salle du musée Adolf-Michaelis dont la petite porte est gardée par la statue de la Victoire de Samothrace, 20 000 plaques de verre dorment paisiblement, aérées par un puits canadien duquel mieux vaut ne pas trop s’approcher. Achetée par les Allemands à l’époque de la Kaiser-Wilhelms-Universität, la collection a été constituée tôt, dès 1872. « Il y en avait peu car c’était un outil pédagogique très cher », souligne Jean-Yves Marc. À l’époque, ces plaques de verre constituent une petite révolution dans le monde de l’enseignement supérieur. Utilisé jusque dans les années 1960, cet ancêtre du Powerpoint a ensuite disparu au profit
des diapositives.
Les plaques sont de véritables répertoires d’images qui peuvent témoigner d’un état de site ou de ville avant restauration.
Photographies de livres ou prises sur des sites archéologiques, les plaques sont de véritables répertoires d’images qui peuvent témoigner d’un état de site ou de ville avant restauration par exemple. « Nous avons peut-être des trésors… Il y a des tirages que nous sommes les seuls à avoir au monde. Il y a une valeur patrimoniale », souligne Jean-Yves Marc qui, muni de gants blancs, redécouvre avec étonnement certaines images. Problème, si une partie des plaques possèdent une légende, d’autres ne sont accompagnées d’aucune indication ce qui rend difficile leur identification.
« Quand ce sont des images d’Athènes ça va mais lorsque c’est un détail d’architecture ou un site d’Afrique du Nord, c’est plus compliqué. » En visitant l’Université d’Austin au Texas, Jean-Yves Marc remarque que ses collègues américains ont mis en ligne des papyrus afin de les faire déchiffrer par le public. « Certains le font comme les mots croisés », sourit le conservateur de la collection.
L’idée fait son chemin et Jean-Yves Marc décide de numériser les plaques de verre pour les mettre à disposition du public. Pour ce faire, un photographe du CNRS est spécialement formé. « Grâce à ce dispositif, plutôt que de faire venir les collègues, les plaques viendront à eux mais aussi à un plus large public invité à participer. » La collection sera mise en ligne en haute définition et téléchargeable. « Le risque c’est que certains se les réapproprient à des fins commerciales, c’est déjà arrivé mais c’est le jeu. »
Une fois les propositions reçues, un comité de spécialistes se réunira pour les examiner. Des étudiants seront également mis à contribution. « Cela leur donne une formation au catalogage, un aspect essentiel du travail en histoire de l’art ou en archéologie. » L’opération est également « marketing » pour Jean-Yves Marc qui espère que le public va se prendre au jeu et, pourquoi pas, suivre les activités de l’institut par la suite. « L’archéologie a un côté devinette qui plait. C’est un moyen de capter un public que l’on n’a pas habituellement », conclut le conservateur qui apprécie ce côté co-fabrication.
Reproduction d’œuvres d’art, peintures, sculptures… à l’Institut d’histoire de l’art, Denise Borlée et Hervé Doucet se sont déjà lancés dans la numérisation de leurs quelque 20 000 plaques de projection depuis 2012. En novembre 2017, le Service des bibliothèques a pris le relais. 7 144 plaques ont ainsi été traitées. Pour eux, pas de problème d’identification en vue car toutes les plaques possèdent des étiquettes complétées et vérifiées par les étudiants de licence dans le cadre d’un module dédié. À terme, les deux chercheurs souhaitent rendre accessible cette base de données au public via notamment la bibliothèque numérique de l’Université de Strasbourg. Pour faire connaitre ce travail titanesque, Denise Borlée et Hervé Doucet ont réalisé une exposition en 2015 durant laquelle des plaques ont été projetées à l’aide d’un épidiascope des années 1930 remis sur pied par le père d’une étudiante. Un colloque a suivi en mars 2016 dont les actes paraîtront début 2019.