octobre 2018

La science ouverte, un changement des pratiques du chercheur

Paul-Antoine Hervieux, vice-président délégué recherche Données de la recherche et sciences ouvertes de l’Université de Strasbourg (Unistra), illustre les impacts de la science ouverte sur le monde de la recherche et développe les mesures pratiques mises en oeuvre par l’Unistra pour favoriser et accompagner son développement.

Paul-Antoine Hervieux, vice-président délégué recherche Données de la recherche et sciences ouvertes de l’Université de Strasbourg.
Paul-Antoine Hervieux, vice-président délégué recherche Données de la recherche et sciences ouvertes de l’Université de Strasbourg.

Comment définissez-vous la science ouverte ?

Je commencerai par un cas très concret. Il y a quelques années, un doctorant en physique de l’Unistra a réalisé sa thèse sur le développement d’un code de calcul pour étudier l’évolution d’un système quantique au fil du temps. Il a écrit sa thèse, qui a été publiée. Mais la plupart de ses codes de calcul ont été égarés, car le doctorant est parti travailler dans une entreprise privée. Tout ça, c'est de l’argent public perdu pour la communauté. Or, l’Unistra compte 2 500 doctorants, qui publient 500 thèses par an. Il ne faudrait pas que cette mésaventure se renouvelle 500 fois par an.

L’open science, c’est d’abord un changement culturel, un changement des pratiques du chercheur. Alors que trop souvent les données scientifiques restent dans une armoire et sont perdues pour le reste de la communauté, l'open science permet justement d'y remédier en rendant ces données trouvables, accessibles, interopérables et réutilisables. Et en rendant accessibles vos données, vous permettez à d'autres personnes de reproduire vos résultats, et d'accroître ainsi l'exactitude de vos recherches. C’est pratique,
c’est concret.

La clé de l’open science, c’est bien sûr l’open access : la garantie d'un système d'édition des publications scientifiques ouvert à la vérification par la communauté, dont les conclusions sont elles-mêmes consultables par tous à tout moment.

Pour que tout ce mouvement prenne corps, il faut accompagner les étudiants à ouvrir leurs publications et à travailler leurs données afin de leur donner une deuxième vie, et ce dès le début de leur formation. Et inciter les enseignants-chercheurs à s’inscrire dans cette démarche en prenant en considération les actions qu’ils entreprennent dans le sens de l’open science dans l'évaluation de leur carrière. Il existe pour cela de nouveaux indicateurs tout à fait quantifiables, tel que le nombre de téléchargements d’une publication.

Que fait l’Unistra pour accompagner ce mouvement ?

Le nouveau rôle de l’université, c’est d’être le garant du savoir produit par une recherche intègre et éthique.

Nous sommes tous noyés dans l’information.
Le nouveau rôle de l’université, c’est d’être le garant du savoir produit par une recherche intègre et éthique. L’Unistra mène plusieurs chantiers dans ce sens.

Je pense aux Archives ouvertes de la connaissance, que nous avons renommées UnivOAK – OAK pour Open Access to Knowledge : toutes les publications liées au site de l’Unistra y sont entreposées, ce qui permettra d'augmenter la visibilité de ce que nous produisons.

Nous venons également de créer un service d’appui aux données de la recherche : les documentalistes, les informaticiens et la Direction de la recherche et de la valorisation se réunissent pour aider les chercheurs à indexer, rendre visible, valoriser leur travail de recherche.

Enfin, nous avons initié une démarche auprès de l’Unité régionale de formation à l’information scientifique et technique (Urfist) pour qu’elle devienne un outil de formation à l’open science adressé aux étudiants en master, aux doctorants et aux enseignants-chercheurs.

Comment la science ouverte favorise-t-elle l’interdisciplinarité ?

Les données sont, par excellence, des objets interdisciplinaires et le deviendront de plus en plus. Pour pouvoir les utiliser et les transformer en objets de nouvelles recherches, cela va nécessiter de plus en plus des regards croisés. L’idée c’est que des personnes non spécialistes de la discipline d'où sont issues ces données puissent aussi les utiliser. C’est un enjeu primordial de l’université pour les prochaines décennies. L’open science est l’outil de l’interdisciplinarité.

Propos recueillis par Jean de Miscault