octobre 2018

« L'Europe ne manque pas d’atouts »

Le libre accès aux données de la science figure parmi les axes stratégiques de développement d’Horizon 2020, le dernier programme cadre européen en date. Carlos Moedas, commissaire européen à la recherche, à l'innovation et à la science, apporte son éclairage sur les perspectives européennes en la matière.

En quoi la science ouverte représente-t-elle un enjeu stratégique pour la science dans l’Union européenne ?

La recherche pratiquée en vase clos appartient au passé. La science ouverte est une façon innovante d'envisager la recherche scientifique et le libre accès en est la pierre angulaire. La plupart des états membres de l'Union européenne ont mis en place des politiques de libre accès mais la situation reste déséquilibrée. Aujourd’hui, nous sommes loin d'un Espace européen de la recherche.

Sur l'échiquier mondial, la domination des universités américaines est indéniable, mais l'Europe ne manque pas d’atouts ! Elle compte notamment des géants de l'édition scientifique. Il s'agit pour les décideurs européens de rendre notre continent attractif pour les chercheurs et les entreprises innovantes. Elle peut jouer un rôle décisif et fédérer les efforts sur des sujets de préoccupation majeurs délaissés par certains pays, comme le climat.

L’évaluation des travaux se basant principalement sur des critères bibliométriques, le nombre de publications et la notoriété des revues qui publient leurs recherches constituent un enjeu important pour les chercheurs. Comment l’open science va-t-elle changer la pratique de la science en Europe ? 

« Rendre notre continent attractif pour les chercheurs et les entreprises innovantes »

En effet, cela pose certaines questions. Comment rendre justice aux chercheurs qui partagent librement le fruit de leur travail quand leurs institutions scientifiques sont elles-mêmes en compétition ? Dans la nouvelle recommandation aux états membres relative à l'accès aux informations scientifiques et à leur conservation adoptée en avril, la Commission européenne envoie un signal fort pour des actions collectives, en particulier en introduisant des indicateurs de nouvelle génération qui traduisent mieux l'impact sociétal de la recherche.

Pour appuyer notre politique, nous avons lancé un appel d’offres pour la création d'une plateforme d'édition à coût zéro à destination des bénéficiaires de notre programme de recherche et d'innovation. L'évaluation des nombreuses réponses que nous avons reçues pour cet ambitieux projet est en cours.

Enfin, quels bénéfices pour la société européenne, plus largement ?

La science ouverte vise également à encourager l'inclusion du grand public dans le processus scientifique. La science citoyenne s'épanouit dans toutes les disciplines scientifiques et les humanités. Elle bénéficie aux chercheurs, aux citoyens, aux décideurs et à la société, tout au long du cycle de recherche et d'innovation. Cette approche ouverte et participative a bénéficié d’une impulsion renouvelée grâce à la révolution numérique. Des initiatives telles que Zooniverse* montrent qu'il est possible d'obtenir le soutien de centaines de milliers de citoyens dans des projets de recherche. Horizon 2020 était aux avant-postes de la science citoyenne. Horizon Europe [le prochain projet cadre européen, ndlr] devra aller plus loin.

*Zooniverse est un portail de science citoyenne permettant à tout un chacun de contribuer activement à un projet scientifique : www.zooniverse.org

Propos recueillis par Fanny Cygan