Quand Alain Beretz, président de l’université 1, est invité à voyager dans le temps 2...
Cela ne changerait sans doute pas grand-chose. Car le temps de l’université est un temps long, qui dépasse largement un ou deux mandats de président. Ce que nous vivons aujourd’hui se situe dans l’héritage d’un temps antérieur et a des répercussions en aval, bonnes ou mauvaises. C’est ce qui en fait à la fois la qualité et la difficulté. L’université pourrait-elle passer dans l’hyperespace comme dans la guerre des étoiles ? Je ne crois pas. Il ne s’agit pas d’un vaisseau intergalactique, qui naviguerait dans le vide stellaire... mais plutôt d’un gros pétrolier, qui avance dans un milieu dense et résistant. Les modifications y prennent du temps et de l’énergie. Ce ne sont pas les mêmes technologies que pour un voyage intersidéral ! L’universitaire est tourné vers le futur, avec une conscience de ce qui s’est passé avant. C’est vrai dans toutes les disciplines, y compris expérimentales. C’est en ce sens que nous sommes des voyageurs du temps : nous utilisons les leçons du passé pour construire le futur.
Une des particularités de l’université est de se situer sur toutes les échelles du temps : le physicien travaille en nanosecondes, le géologue en millions d’années, la sociologue prend en considération quelques décennies... C’est vrai aussi pour le temps de formation, de l’heure de cours au cursus complet. Et trois ans d’études ont des répercussions sur une vie entière ! L’action doit prendre en compte tous ces espaces temps qui cohabitent.
Le travail se fait sous la pression du temps disponible. Par moments, on aimerait avoir une machine à dilater le temps, des journées plus longues, du temps sans contraintes, pour réfléchir, écrire, ranger... Il y a une fuite en avant sur ce vaisseau, pas toujours bonne ni pour soi, ni pour la qualité du travail. Inversement, je me dis qu’il faudrait plutôt contracter le temps : avoir une échéance permet d’accélérer le processus. Le côté multifactoriel et perfectionniste de nos tâches fait que l’on ne finit jamais... or même en disposant de délais ad libitum, on arriverait à la même situation. Il s’agit donc plutôt de maîtriser le temps, de faire des choix de priorités.
Gérer le présent, penser à l’avenir et respecter le passé, c’est déjà pas mal comme cahier des charges !
Remonter le temps comme Marty ? Je ne sais pas quel événement je choisirais de modifier, mais dans les films de science-fiction, remonter le temps entraine toujours des catastrophes... Retourner vers le passé pour faire un meilleur futur, c’est très présomptueux, parce que cela veut dire que l’on peut prévoir, alors que gérer le présent, penser à l’avenir et respecter le passé, c’est déjà pas mal comme cahier des charges ! Aller voir dans le futur ne m’intéresse pas non plus. Je sais quel futur je souhaite et celui que je ne veux pas. Je fais, comme chacun, des petites choses aujourd’hui pour aller dans le bon sens. Quand on élabore un projet stratégique, on a une vision. Mais la vision n’est pas la prévision ! On peut créer les conditions mais pas la certitude d’un futur meilleur et on met alors en place des stratégies pour que cette vision ait une chance de se réaliser.
1 Alain Beretz était président de l’université de Strasbourg jusqu’au 16 septembre, date à laquelle il a été nommé directeur de la recherche et de l’innovation au secrétariat d’État de l’enseignement supérieur et de la recherche.
2 En février 2014, lors de la visite de François Hollande, Alain Beretz s'était amusé du point d'humour du Petit journal de Canal + qui l'avait comparé au Doc du film Retour vers le futur.