Au sein d’Eucor – Le Campus européen, le développement durable a été retenu comme un axe stratégique majeur en termes de collaborations et de recherche. Deux projets labellisés Eucor illustrent cette priorité : WaterPollutionSensor et RES_TMO sur l'approvisionnement énergétique dans le Rhin supérieur.
Le projet WaterPollutionSensor a pour objectif de développer un système autonome de surveillance de la concentration de pesticides dans le réseau d’eau potable. « Actuellement, la détection des polluants se fait par un prélèvement manuel qui est ensuite analysé en laboratoire. Mais ces prélèvements ne sont pas effectués tous les jours et dans certains endroits, ils n’ont lieu qu’une fois par mois. Le système que nous voulons développer permettrait d’alerter rapidement s’il y a des traces trop importantes de certains pesticides, comme le glyphosate par exemple, à certains endroits du réseau », explique Morgan Madec, enseignant-chercheur au laboratoire ICube et coordinateur du projet. Une fois l’alerte donnée, un prélèvement sera envoyé au laboratoire pour analyse. « Notre système n’a pas vocation à remplacer les tests habituels, il sert juste à alerter sur un potentiel risque pour optimiser les lieux et les fréquences des prélèvement », précise le chercheur. Les partenaires du projet ont imaginé un boîtier combinant plusieurs modalités de mesure couplant de l’optique, de l’électrochimie et de la résonnance magnétique nucléaire. L’objectif est de concevoir un boîtier « low cost » pour qu’il soit déployé le plus largement possible. Trois polluants particuliers ont été identifiés : le glyphosate, l’atrazine et les hydrocarbures polycycliques aromatiques. Ils correspondent aux polluants les plus présents dans la région du Rhin supérieur. Mais le dispositif de mesure sera conçu pour s’adapter facilement à d’autres polluants.
Lancé le 1er septembre 2019 pour une durée de trois ans et un budget total de près de 1 400 000 euros, le projet WaterPollutionSensor est cofinancé par le programme Interreg V Rhin supérieur et regroupe l’Université de Strasbourg, trois universités allemandes, à Kaiserslautern, Freiburg et Furtwangen et une université suisse de sciences appliquées, Fachhochschule Nordwestschweiz. Au total, une vingtaine de chercheurs sont mobilisés. Chaque partenaire du projet possède sa spécialisation. Le laboratoire ICube de l’Université de Strasbourg se concentre sur deux des trois modalités de détection : la fluorescence résolue en temps et la résonnance magnétique nucléaire miniaturisée. Au bout des trois ans de financement, l’objectif est d’aboutir à un prototype pour ensuite entamer la commercialisation. « Une fois que le bon fonctionnement du système sera prouvé, nous pourrons le proposer aux entreprises et aux collectivités locales concernées », annonce Morgan Madec. L’entreprise Bürkert Fluid Control Systems, spécialiste des techniques de mesure, contrôle et régulation des fluides, est déjà partenaire du projet. Via le programme Offensive Sciences coordonné par la Région métropolitaine trinationale Rhin supérieur, le projet WaterPollutionSensor bénéficie du soutien de plusieurs partenaires régionaux : la Région Grand Est, le Bade-Wurtemberg et la Rhénanie-Palatinat, ainsi que la Confédération suisse, le canton de Bâle-Ville, le canton de Bâle-Campagne, le canton de Soleure, la République et canton du Jura.
Porté par quatre universités, Freiburg, Strasbourg, Karlsruhe et Mulhouse (UHA) et en partenariat avec Bâle et le CNRS, le projet RES_TMO aborde l’enjeu des marchés des énergies renouvelables dans le Rhin supérieur. À partir d’une étude pluridisciplinaire, le projet vise à analyser les conditions nécessaires à la mise en place d’un réseau de production, de distribution et de stockage des énergies renouvelables plus efficace et plus flexible dans le Rhin supérieur. Le pilotage des lots de travail a été réparti : par exemple, la sécurité des données revient à l’Université de Haute-Alsace, la coordination générale et l’analyse des mesures économiques et incitatives à Freiburg, la modélisation de scénarios sur le marché de l’électricité à Karlsruhe et l’analyse sociologique et juridique à Strasbourg. « Mais à l’intérieur d’un même groupe de travail, nous avons des contacts avec des collègues des autres pays pour avoir un regard trinational », indique Philippe Hamman, professeur de sociologie à l’Institut d'urbanisme et d'aménagement régional, chercheur au laboratoire Sage et responsable du projet RES_TMO à l’Université de Strasbourg. Lancé en février 2019, ce projet est financé dans le cadre d’Interreg pendant trois ans. En 2022, suite aux analyses effectuées par toutes les parties prenantes, l’objectif est de produire une feuille de route proposant des scénarios, des outils et des recommandations d’action pour les décideurs politiques du Rhin supérieur.
Pour réaliser l’analyse sociologique et juridique, en plus d’une étude documentaire, le laboratoire Sociétés, acteurs, gouvernement en Europe (Sage) conduit de nombreux entretiens, des observations de terrain et une série de workshops avec les acteurs des trois pays concernés : énergéticiens, responsables de collectivités territoriales, experts, citoyens membres de coopératives d’énergie, etc. « En matière énergétique, la coopération transfrontalière ne va pas forcément de soi, car les contextes territoriaux ne sont pas les mêmes », rappelle Philippe Hamman. Les réglementations, les prix de l’électricité, l’organisation étatique, l’implication citoyenne sont différents d’un pays à l’autre. Le prix de l’électricité est plus élevé en Allemagne qu’en France, par exemple, ce qui explique un plus grand développement des énergies renouvelables en Allemagne. L’installation de panneaux photovoltaïques et la revente ou l’utilisation de l’électricité produite par les particuliers ne sont pas soumises aux mêmes contraintes juridiques non plus. Toutes ces observations posent la question de l’harmonisation et de la coordination des politiques énergétiques au niveau de l’espace du Rhin supérieur.
Un autre projet labellisé Eucor et financé dans le cadre du programme Interreg V a vu le jour en 2019. Baptisé Navebgo, et impliquant également le laboratoire Sage, il vise à réduire durablement la contamination des eaux souterraines par les micropolluants contenus dans les peintures et crépis des façades des bâtiments. La stratégie a été élaborée pour trois villes de tailles différentes (Strasbourg, Fribourg-en-Brisgau et Landau), mais sera plus généralement applicable à toutes les zones urbaines du Rhin Supérieur.