Le recours à l’intelligence artificielle ouvre de nouveaux débats juridiques en matière de propriété intellectuelle. Mais la science-fiction n’est pas de la partie…
L'utilisation d’algorithmes dans tous les domaines, art, santé, transport, industrie… repose la question de la reconnaissance des auteurs dans le processus de conception et de production. Mais aurons-nous bientôt affaire à des robots auteurs ? « Cette hypothèse relève de l’imagination populaire, défend Jean-Marc Deltorn, docteur en physique théorique et actuellement en thèse de droit au Centre d’études internationales de la propriété industrielle (Ceipi). On n’assigne pas une personnalité juridique à l’intelligence artificielle, qui est davantage un outil au service des créateurs qu'une entité autonome susceptible de se voir qualifiée d'auteur. » Et Franck Macrez, maître de conférences au Ceipi, d’ajouter : « Deux conditions sont essentielles pour que la création puisse jouir de la protection du droit d’auteur : une forme d’expression et l’originalité. » Ce qui n’est pas le propre des machines… qui par ailleurs n’expriment ni intention ni conscience.
On n’assigne pas une personnalité juridique à l’intelligence artificielle, qui est davantage un outil au service des créateurs qu'une entité autonome
Alors, comment le droit s’adapte-t-il aux nouveaux modes de création ? « Sa fonction est de protéger les auteurs et d’encourager les créateurs. En termes de droits fondamentaux, le Règlement général pour la protection des données (RGPD) oblige à expliquer une décision prise par un procédé automatisé, y compris un profilage, en expliquant la logique sous-jacente. » Jean-Marc Deltorn estime que le cadre légal existant permet de protéger correctement, par un droit d'auteur dédié, les codes sources des logiciels. Quant au droit des brevets, il évolue de son côté : les directives relatives à l’examen à l’Office européen des brevets ont été augmentées d'une nouvelle section sur l'intelligence artificielle et l'apprentissage automatique. « La législation est en train de se construire, non pas en assignant une personnalité juridique aux objets techniques (que d’ailleurs les législateurs ne maîtrisent pas), mais en veillant à équilibrer les droits et en attribuant les bons droits aux bonnes personnes. C’est là tout l’enjeu. »
En 2018, 156 experts de l'intelligence artificielle ont alerté par pétition la Commission européenne sur le risque de donner un statut juridique aux robots. Cet avis a été appuyé par le Comité économique et social européen car « les effets correctifs préventifs du droit de la responsabilité civile s’en trouveraient vidés de leur substance ». De nombreux universitaires du monde entier se sont également élevés contre ce principe.
Marek, étudiant en master informatique
« Je tente de rester objectif. Comme toute invention, il y a des bons et des mauvais côtés. Il faut se méfier de la mauvaise utilisation, de ce qui peut nuire à l’humanité. Je prends l’exemple des robots à l’apparence humaine. Les gens ont peur qu’ils décident par eux-mêmes. »