octobre 2018

Réveiller la mémoire perdue des photos scientifiques

Et si l’art et la science poursuivaient le même objectif : lire le réel avant de le transformer. Le projet d’exposition « Supplementary Elements » entend établir un pont entre science et art. Rendez-vous annoncé au printemps 2020.

« Aujourd’hui pas un article scientifique ne sort sans ses images associées, constate Emeline Dufrennoy, directrice artistique indépendante. Mais elles sont toujours classées dans les supplementary informations, les annexes. » Et aussitôt, surviennent deux questions : que deviennent ces images et seront-elles toujours accessibles, ne serait-ce que d’un point de vue technique ? Car, à l’ère du numérique, les documents photographiques se perdent et s’altèrent aussi. Il est finalement souvent plus facile de consulter des tirages papier, des négatifs ou même des plaques photographiques que de lire une vieille disquette. Face à la profusion du numérique, les images n’ont jamais été aussi proches et lointaines.

Un parcours d’œuvres dans et sur les bâtiments du campus central de l’université au printemps 2020.

C’est notamment pour répondre à ces questions de perte de mémoire qu’Emeline Dufrennoy s’est lancée dans un vaste projet d’exposition dénommée « Supplementary Elements », ou comment valoriser le lien entre science et photographie. Après avoir rencontré de nombreux chercheurs de l’Institut de physique et de chimie des matériaux de Strasbourg, de l’Observatoire astronomique, de l’Institut pluridisciplinaire Hubert-Curien, du laboratoire ICube… le projet porté par le Service universitaire de l’action culturelle, en partenariat avec le Jardin des sciences et le Service des bibliothèques, devrait proposer, au printemps 2020, un parcours d’œuvres dans et sur les bâtiments du campus central de l’université, sous forme de projections géantes, de bâches, d’impressions 3D, etc.

Rapport au réel

Image par microscopie électronique en transmission d'un nanograin de silice SBA-15, avec une mesoporosité organisée, synthétisée par une technique de type « soft template ».
Image par microscopie électronique en transmission d'un nanograin de silice SBA-15, avec une mesoporosité organisée, synthétisée par une technique de type « soft template ».

« L’idée, insiste Emeline Dufrennoy, c’est aussi de faire dialoguer scientifiques et artistes sur leur rapport au réel. Comment les uns et les autres, à partir des nouvelles techniques de l’image recomposée, modifient la représentation du réel ? Questionner la nature de l’image, sa matérialité, ses flux, permet alors d’interroger ses évolutions et leurs possibles conséquences sur notre connaissance du réel et sur l’apparition d’un corpus inédit de traces constitué par les archives de la connaissance. » Et c’est encore plus vrai, dès lors que, du côté de la science, il arrive que les machines elles-mêmes produisent directement les images, les analysent et les transforment en données. Autrement dit, les ordinateurs prennent des photos que plus personne ne regarde. « Les flux ininterrompus de photographies ainsi produites n’ont plus besoin d’opérateur, ni d’intermédiaire pour exister. Quel devenir pour ces représentations », s’interroge la conceptrice du projet.

Dès cette rentrée universitaire 2018, une première réunion du comité scientifique doit avoir lieu. Dans la foulée seront organisés des workshops transdisciplinaires avec des étudiants en master de la Faculté des arts et de la Haute école des arts du Rhin (Hear) : ils imagineront, en collaboration avec les chercheurs en sciences physiques, de nouvelles formes, prototypes, anticipations eux aussi destinés à être exposés.

Jean de Miscault