Avec l’avènement de la technologie internet et le développement de plateformes en libre accès, la mutualisation et le partage des données semble s’imposer comme la nouvelle règle. Aujourd’hui, l’impulsion politique autour de la science ouverte répond au double enjeu de diffuser les savoirs auprès de la population et de la communauté scientifique. Mais comment ces idées ont-elles évolué au cours du temps ? Isabelle Laboulais, professeur des universités en histoire moderne à l’Université de Strasbourg, nous raconte.
Quand l'idée que le savoir est un bien qui doit être accessible à tous a-t-elle émergée ?
Traditionnellement, la Renaissance est identifiée comme une période de décloisonnement des connaissances. Cette époque marque un grand tournant pour la production et la diffusion des savoirs en Europe qui, dès lors, n’est plus l’unique prérogative des clercs. Mais l’ouverture est toute relative. L’accès à la connaissance reste le privilège d’une communauté bien identifiée, car les textes ne sont pas vulgarisés. L’information circule, mais au sein de la communauté scientifique uniquement.
Comment se fait l’échange d’information entre scientifiques ?
Le mécénat, les voyages, les échanges de manuscrits ou encore la correspondance sont autant de moyens permettant la diffusion des idées et des découvertes. Parallèlement, la Renaissance voit naître la République des lettres. Cette communauté réunit les savants de toute l’Europe permettant ainsi l’échange et la transmission des connaissances.
Au XVIIe siècle, un mouvement d’institutionnalisation se met en place. En témoigne la création, en 1661, de l’Académie royale de sciences par Louis XIV. Symbole du pouvoir du monarque et de la monarchie absolue, cette institution rassemble des savants nommés par le roi. Elle devient une institution de renommée internationale qui rivalise notamment avec la Royal Society créée à Londres en 1660. Cette dernière est d’ailleurs toujours en activité de nos jours.
À quelle époque voit-on apparaître de véritables initiatives en faveur de la vulgarisation des sciences ?
« C’est à la Révolution française que se manifeste la volonté de rendre les sciences accessibles à une part plus importante de la population. »
C’est à la Révolution française, avec l’abolition des privilèges, que se manifeste la volonté de rendre les sciences accessibles à une part plus importante de la population. Cette ouverture symbolique prend des formes très concrètes notamment avec l’exemple du jardin du roi. Sous l’impulsion de son personnel, ce lieu est ouvert au public, permettant d’offrir le « spectacle de la nature » à tous les citoyens.
Autre démonstration de cette dynamique, la création, en 1795, de l’École normale, dite de l’an III, où les plus grands savants du pays enseignent leur discipline aux hommes qui seront chargés de former les maîtres d’école. Ce dispositif ne fonctionne qu’une année mais le principe est éclairant quant à la volonté de transmettre à toutes les échelles de la société les travaux des savants les plus prestigieux.
Il faut attendre la deuxième moitié du XIXe siècle pour assister à la généralisation d’initiatives visant à rendre les résultats de la recherche scientifique plus accessibles. Au fil du temps, il apparaît que le partage de la science a toujours constitué un vrai choix de société.