Alternance veille-sommeil, périodes d’alimentation, régulation hormonale : le fonctionnement de notre corps présente une forte organisation temporelle sur 24 heures. Impactée par la vie sociale et l’environnement, celle-ci est pourtant profondément endogène. Explications d’Etienne Challet, directeur de recherche au CNRS, qui travaille depuis 20 ans sur les rythmes circadiens*.
On a cru longtemps que nos rythmes physiologiques étaient des réponses passives aux changements de l’environnement
La gestion des temps dans notre corps est une mécanique rythmique très complexe, pilotée par différentes horloges. La principale d’entre elles se situe dans les noyaux suprachiasmatiques de l’hypothalamus, dans le cerveau. Véritable chef d’orchestre, elle contrôle les phases de veille-sommeil, de température corporelle, du fonctionnement hormonal. « On a cru longtemps que nos rythmes physiologiques étaient des réponses passives aux changements de l’environnement, notamment les alternances jour-nuit, explique Etienne Challet. En réalité, même si l’horloge centrale se remet chaque jour à l’heure grâce à la lumière perçue par la rétine, notre rythme circadien est endogène. » Une programmation interne, qui tourne autour de 24 heures (plutôt 24 h 30 chez l’homme) et perdure même si on est totalement plongé dans le noir.
Mais l’horloge centrale n’est pas seule, elle donne le tempo à une multitude d’horloges secondaires, qui sont présentes dans chaque tissu et contrôlent les différents rythmes de notre corps. La glycémie par le foie, la leptine par le tissu adipeux ou encore la fréquence cardiaque qui se modifie entre le jour et la nuit, etc… « Une fabuleuse mécanique, commente Etienne Challet, admiratif. Deux heures avant notre réveil, l’hormone du stress (cortisol) commence à circuler dans le sang pour préparer notre organisme à la journée qui s’annonce.»
Ainsi, la mise en conscience de cette subtile mécanique d’horloge, qui doit aussi s’adapter aux contraintes de la vie sociale, nous invite à être attentifs aux conséquences provoquées par une éventuelle désynchronisation : si on mange à 3 heures du matin, si on a des horaires de travail en 3-8, des périodes de sommeil trop irrégulières, on chamboule ce mécanisme, et on modifie la physiologie qui y est associée. D’où des problèmes métaboliques de type diabète, obésité, voire certains cancers.
« On en arrive donc à donner des conseils de bon sens populaire, s’amuse Etienne Challet : manger et dormir à heures fixes, bref respecter son rythme profond pour maintenir le bon fonctionnement du corps. Tous les organismes vivants ont des rythmes circadiens, dont le rôle a sans doute été déterminant au cours de l’évolution. »
Caroline Laplane
* Du latin Circa (autour) et Dies (jour) : d’environ un jour.