octobre 2016

La conjugaison des temps

En mettant en place l’évaluation continue intégrale, l’Université de Strasbourg a considérablement modifié le rythme des temps étudiants. L’enjeu final : la construction de l’individu.

Il y a six ans, quand l’Unistra s’est lancée dans l’évaluation continue intégrale (ECI), elle avait constaté que, pendant une année universitaire, un étudiant passait 24 ou 26 semaines en cours et jusqu’à douze semaines en révision et examens. « En mettant en place l’ECI, explique François Gauer, vice-président délégué aux pratiques pédagogiques, nous avons voulu mettre tous les aspects de la formation de l’étudiant au cœur du temps universitaire : le temps de l’écoute, le temps de l’apprentissage, le temps de l’analyse, le temps de la restitution, le temps de l’évaluation, le temps de la remédiation avec l’enseignant. »

Apprentissage en profondeur

Le temps universitaire à l’Unistra s’est ainsi considérablement modifié : il y a désormais 32 semaines de cours, dans lesquelles tous les temps se mélangent. On passe de l’apprentissage de surface à l’apprentissage en profondeur et l’étudiant, à l’issue de sa formation, ne se contente pas de restituer les connaissances acquises, il est aussi capable de les réutiliser voir de les réadapter. « On transforme l’ensemble des temps en un temps d’entrainement, précise le vice-président. Pour qu’à la fin, la maîtrise des attendus soit plus performante. L’écueil du contrôle terminal, c’est de ne concevoir l’apprentissage qu’en périodes séquentielles déconnectées : le temps de la formation puis celui de l’évaluation. Avec l’ECI, toutes les périodes se nourrissent mutuellement et en continu. Le temps universitaire devient un temps de construction de l’individu. » Et François Gauer dresse un premier bilan pour la Faculté des sciences de la vie, dont il est aussi le doyen : le taux de réussite en fin de semestre est passé de 64 % à 85 %. Et le nombre de mentions assez bien, bien ou très bien est passé de 31 % à 53 %.

Le temps inversé

Le temps peut aussi devenir un élément de la gestion des contraintes. Ainsi, en licence de sciences de l’éducation, les effectifs sont passés en quelques années de 100 à 300 étudiants. Comment gérer une telle augmentation ? « À moyens constants, nous avons joué sur le temps étudiant, raconte Najoua Mohib, maître de conférences et créatrice du master Conception, formation, technologie (CFT) à la Faculté de sciences de l’éducation. La plate-forme pédagogique Moodle nous a permis de mettre en place une pédagogie inversée. Les étudiants travaillent le sujet chez eux et le cours est plutôt consacré à l’application. Le temps étudiant en-dehors de l’université est rallongé. Le temps à l’université est raccourci et densifié. Au final, c’est mieux pour l’étudiant : c’est le learning by doing. » Même chose pour le master CFT : les Mooc* permettent de gagner du temps étudiant. C’est d’autant plus appréciable que près de 40 % des étudiants sont des professionnels en reprise d’études : « Le Mooc permet à chacun de suivre à son rythme, explique Najoua Mohib. On se met d’accord dès le début de l’année par un contrat pédagogique et une convention d’étalement pour ceux qui veulent suivre leur master en deux ans ».

* Massive open online course

Jean De Miscault