Trois ingénieurs de Télécom Physique Strasbourg portent le projet Healthy Mind. Ils créent des mondes en 3D destinés aux casques de réalité virtuelle. Utilisée dans le domaine médical cette technologie permet de réduire la douleur et l’anxiété des patients hospitalisés.
Depuis plus de vingt ans, les publications scientifiques internationales ont démontré les effets positifs de la réalité virtuelle sur la réduction la douleur. En moyenne, elle permet de diminuer de 30% la douleur ressentie après une opération, et dans certains cas, atteindre deux fois l’efficacité de la morphine pour réduire la douleur des patients. En s’appuyant sur ces études et sur un matériel de haute technologie désormais accessible au plus grand nombre, trois étudiants strasbourgeois ont créé Healthy Mind. Au moyen d’un casque de réalité virtuelle, le concept vise à immerger le patient dans des univers 3D interactifs et relaxants. Depuis le début l’année, Timothée Cabanne, Reda Khouadra et Malo Louvigné, 23 ans, travaillent d’arrache-pied sur ce projet. Passionné de réalisation 3D depuis son enfance, Reda Khouadra avait déjà eu l’intuition d’Healthy Mind dix ans auparavant. Alors âgé de 12 ans, il imprimait ses dessins de réalisation 3D et les offrait à sa tante qui souffrait de la maladie de Parkinson. « Je me souviens que lorsqu’elle regardait mes dessins, les tremblements de sa main s’arrêtaient un peu », raconte-t-il. C’est à l’école d’ingénieur Télécom Physique Strasbourg qu’il rencontre Timothée et Malo, puis une fois leur diplôme en poche, tous trois suivent une double formation à l’Ecole de management de Strasbourg (master Administration des entreprises). C’est dans le cadre de ce cursus que naît le projet Healthy Mind.
Sensibles au monde médical et aux problèmes des douleurs chroniques, les trois entrepreneurs en herbe ont à cœur de proposer une solution qui améliore le bien-être des patients. Dans les publications scientifiques consacrées à la douleur, les trois étudiants ont appris que le cerveau inhibait les nœuds de douleur présents dans le corps à partir des émotions, des sens et de la cognition. « Notre idée consiste à utiliser un medium technologique pour agir sur ces trois facteurs », explique Timothée Cabanne. En fonction de ses affinités, le patient pourra choisir entre différents univers : plage, montagne, forêt… Pendant quinze minutes, en portant un casque de réalité virtuelle avec son intégré, il sera totalement immergé dans un monde en 3D et pourra interagir sur cet univers grâce à des manettes ou un capteur qui détecte les mouvements des mains (leap motion). Il ne s’agit pas d’un simple jeu de réalité virtuelle, mais bien d’un programme adapté au patient et au milieu médical. Tout au long du processus de création, les trois porteurs du projet ont travaillé main dans la main avec les patients et les médecins. Un prototype a déjà été testé sur des sujets sains au Centre d'investigations neurocognitives et neurophysiologiques de Strasbourg (CI2N) en mai dernier. Et durant une semaine en juillet, un test a été réalisé sur 180 patients dans une clinique de l’ouest de la France pour diminuer l’anxiété avant une opération chirurgicale et réduire la douleur post-opératoire. Suite à ces essais, le logiciel de réalité virtuelle va certainement évoluer. « C’est un software, donc c’est modifiable. Il peut s’adapter dynamiquement au patient », souligne Reda Khouadra.
Le concept d’Healthy Mind permet un temps d’hospitalisation moins long, il diminue les risques de complication après un acte chirurgical et il permet de réduire la consommation de médicaments.
Le concept d’Healthy Mind présente plusieurs avantages : il permet un temps d’hospitalisation moins long, il diminue les risques de complication après un acte chirurgical et il permet de réduire la consommation de médicaments. Aujourd’hui, dans un souci d’économie, les pouvoirs publics cherchent à raccourcir les temps d’hospitalisation. La chirurgie ambulatoire s’est développée depuis une dizaine d’années, de même que les programmes de récupération améliorée après chirurgie (RAAC). « Notre solution vise à s’intégrer dans ce processus », précise Timothée Cabanne. En France, un séjour d’une journée à l’hôpital en chirurgie coûte en moyenne 1 500 euros, une somme remboursée à 80% par l’Assurance maladie. « Nous aimerions réduire ce coût en diminuant le temps passé à l’hôpital grâce à notre solution », annonce Malo Louvigné. Dans un premier temps Healthy Mind vise les cliniques et hôpitaux, mais par la suite la technologie pourrait être utilisée dans les maisons de retraite et directement à domicile pour les personnes souffrant de douleurs chroniques. Car par le biais de cette solution, le patient peut apprendre à devenir plus autonome et à gérer sa douleur. « En utilisant notre technologie, le patient apprend à combattre lui-même sa douleur. L’objectif à terme c’est qu’il puisse se passer de notre casque pour imaginer son propre univers qui l’apaise », indique Reda Khouadra. Lui est ses trois associés viennent tout juste de créer l’entreprise (en septembre). Actuellement, ils recherchent des financements (300 000 euros) et espèrent débuter la commercialisation de leurs casques de réalité virtuelle thérapeutiques d’ici à la fin 2018.
En quatre mois, Healthy Mind a raflé cinq récompenses. Au mois de mars, le projet a été lauréat de La ruche à projets (centre entrepreneurial de l’EM Strasbourg) lors du Responsible start-up event. Il a remporté le prix de l’innovation technologique en avril lors la Morpheus Cup, une compétition entre les meilleures start-up européennes. En mai, l’Australian eChallenge France lui a attribué le prix du meilleur projet selon des critères de viabilité et de croissance potentielle. A la clé : plus de 20 000 dollars et l’opportunité de présenter le projet chez Microsoft à Seattle en mars 2018. En juin, Healthy Mind a fait partie des dix lauréats du concours 100 jours pour entreprendre. Lors du salon des start-up Viva Technology à Paris, les Strasbourgeois ont gagné le prix de la meilleure start-up et trois jours de stand offerts pour l’édition 2018.