L’Université de Strasbourg mêle sa voix aux débats de plus en plus nombreux sur la religion et la laïcité. Elle apporte son expertise scientifique sur des questions quelquefois brûlantes et souvent passionnées. Décryptage d’une parole qui se veut rassurante.
Lundi soir début avril, dans l’amphithéâtre de la Maison interuniversitaire des sciences de l’Homme - Alsace (Misha), une quarantaine de personnes se sont déplacées pour suivre la conférence de maître Olivier Wang-Genh, président de l’Union bouddhiste de France, directeur du monastère Ryumon Ji de Weiterswiller. Le sujet : « Le début de la vie humaine, le bouddhisme en dialogue des autres religions ». Le maître commence par une très rapide présentation du bouddhisme, puis le débat s’engage avec la salle : qui était Bouddha, que pense le bouddhisme de l’avortement et de l’euthanasie, qu’est-ce que le bouddhisme laïc… ? Cette conférence a clôturé la deuxième édition du cycle Les religions en débat organisé par les facultés de théologie protestante et catholique et la Faculté des langues et des cultures étrangères, dont le thème en 2017 était Le début de la vie humaine vu par les grandes religions.
Autre lieu, autre sujet. Plusieurs dizaines de personnes se sont installées dans une des salles du cinéma Star. Le film du soir : Et la laïcité dans tout ça ?, un documentaire de Philomène Esposito, suivi d’un débat en présence de Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité. C’est une des quatre séances cinéma-débat du cycle 2017 Les toiles de la laïcité organisé par l’équipe Droits et religions du laboratoire Droit, religion, entreprise et société (Dres) et soutenu par l’Initiative d’excellence (Idex).
Jamais on n’a autant parlé de religion et de laïcité. A tel point que, selon un sondage Ipsos publié en mars dernier, 77 % des Français estiment qu’ « on parle trop de religion dans le débat public ». Alors question : est-ce le rôle de l’université de porter ces débats sur la place publique ? « Il faut bien que nous ayons une utilité sociale, s’emporte presque Vincente Fortier, directrice du Dres. Nous apportons à la société civile des éléments qui, bien souvent, lui font défaut. Les documentaires que nous projetons ne sont jamais angéliques. Ensuite, par le débat, nous répondons aux questions posées d’un point de vue juridique. Il est sûr que quand nous abordons la question brûlante de la laïcité, nous sortons de notre zone de confort. C’est tellement plus simple de rester entre scientifiques. » En 2016, à l’issue de la projection du film La Séparation, sur la loi de 1905, devant une salle comble, le débat qui s’ensuivit avait été particulièrement chaud avec quelques participants plutôt vindicatifs.
Les gens ont besoin de savoir et de comprendre.
Une chose est sûre, il y a un public pour ces débats de fond. « La demande est très forte, constate Karsten Lehmkühler, professeur d’éthique à la Faculté de théologie protestante, un des initiateurs du cycle Les religions en débat. Plus que de la théologie comparée en général, on compare le point de vue des grandes religions sur différents sujets de fonds : qu’est-ce que croire ? en 2016, ou le début de la vie, cette année. Le rapport entre la religion et la société, c’est notre tasse de thé : on veut la faire partager au plus grand nombre. » Vincente Fortier confirme : « Les gens ont besoin de savoir et de comprendre. Ils sont abreuvés de questions religieuses. Ils veulent toucher à la vérité. Peut-être que notre posture universitaire les rassure : notre rôle, c’est d’apaiser. Nous devons faire extrêmement attention à notre parole. »
Et puis, il y a la situation concordataire de l’Alsace. « Ce serait plus difficile d’organiser ces cycles ailleurs qu’en Alsace. Ici l’attention portée au fait religieux est très forte », concède Vincente Fortier. « Il y a une quarantaine de groupes de débat interreligieux en Alsace. Nous, nous apportons simplement un regard scientifique sur des convictions et des pratiques religieuses », résume Karsten Lehmkühler.
Dominique :
« J’ai suivi l’ensemble du cycle Les religions en débat. J’aime entendre la vibration de la vérité. J’aime bien me trouver avec des personnes qui tentent de s’approcher de ces vibrations. C’est plus intéressant que beaucoup de soirées à la télévision. Je connais le bouddhisme parce que je l’ai pratiqué. »
Michèle, venue avec son mari :
« Nous suivons le cycle depuis l’année dernière, nous sommes passionnés de religion. On a souvent des a priori sur les religions que nous ne connaissons pas. Ce cycle nous rend plus tolérants. Ce soir, j’ai appris qu’il y avait différents courants de bouddhisme. »