juin 2020

­Mathilde Monnier, une chorégraphe à l’université

« Marcher, n’est-ce pas déjà danser ? », lance la chorégraphe de renommée internationale Mathilde Monnier dans la note d’intention de sa résidence. Réalisée en pointillés au deuxième semestre à l’Université de Strasbourg, celle-ci explore autant qu’elle prolonge la thématique annuelle du Service universitaire de l’action culturelle (Suac), « la marche ».

Crédit photo : Catherine Schröder/Université de Strasbourg

« Ne lâchez pas trop vite votre proposition. Allez au bout de votre mouvement ! Restez têtus dans vos idées. » D’un pas pesant, sautillant ou traînant, chaque étudiant livre son interprétation de la marche, guidés par la voix de Mathilde Monnier. Ils quadrillent la grande salle de répétition, baignée de lumière naturelle s’écoulant de grandes baies vitrées. Les pas, dissonants, résonnent dans l’espace.

Nous sommes à Pôle Sud, Centre de développement chorégraphique national, en plein quartier de la Meinau, lundi 2 mars. Ils sont une vingtaine d’étudiants à avoir fait le déplacement, pour le troisième après-midi d’atelier, sur les quatre que compte la résidence. Le workshop étant ouvert à toutes les composantes, ils viennent de la Faculté des arts, mais aussi de pharmacie, de lettres, de Sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps)…

Exploration

« Garder le fil de son idée et s’y tenir, sans chercher à improviser ni trop intellectualiser »

S’ils sont nombreux à avoir un rapport à la danse, ils sont loin de tous la pratiquer au quotidien. Ichraf et Margot, respectivement en 6e année de pharmacie et en 2e année de Staps, ont beaucoup dansé plus jeunes, mais n’en trouvent plus le temps. Elles apprécient la possibilité offerte par l’université, comme une respiration, « une parenthèse dans nos journées rythmées par les cours ». Qui plus est « de façon suivie, grâce à plusieurs séances qui nous permettent d’approfondir, et sous la direction d’une chorégraphe connue et reconnue, apprécie Cléo, en 3e année de licence Humanités. Ici on peut créer, sortir un peu du cadre universitaire ».

Davantage qu’une restitution publique en fin d’atelier, ce qui intéresse Mathilde Monnier, c’est l’exploration. « Garder le fil de son idée et s’y tenir, sans chercher à improviser ni trop intellectualiser », exhorte-t-elle les étudiants. Évoquant « une histoire de désir. Pour rendre la chose intéressante, il faut s’y intéresser ». Débriefant après l’un des exercices, Arthur lâche : « C’est le corps qui proposait le mouvement. » « Oui, c’est votre corps qui vous enseigne ! » rebondit la chorégraphe.

Geste élémentaire

Crédit photo : Catherine Schröder/Université de Strasbourg

Celle qui fut plus de cinq ans directrice du Centre national de la danse est présente à Strasbourg à l’invitation de la Faculté des arts, et notamment de Guillaume Sintès. Avec pour objet de « déplier les enjeux esthétiques, politiques et historiques à partir d’un geste élémentaire et constitutif du mouvement », explique l’enseignant-chercheur en danse, membre de l’unité de recherche Approches contemporaines de la création et de la réflexion artistique (Accra). Point de départ : la pièce chorégraphiée Déroutes, créée par Mathilde Monnier en 2002, et qui donne son nom à la résidence de 2020.

Rien de plus logique, pour le Suac, de faire figurer cette résidence dans sa programmation annuelle, dont « la marche » est le fil rouge : « Ouverte avec la représentation hors les murs du Lenz de Simon Delétang (Théâtre du peuple de Bussang), en octobre, il était logique de la poursuivre avec la déroute chorégraphique de Mathilde Monnier, qui puise aux racines de la même œuvre (le Lenz de Büchner, 1835) », expliquait Sylvain Diaz, directeur du Suac, en début d’année universitaire.

Aux côtés des workshops avec les étudiants, la résidence est, dans sa forme initiale, ponctuée de projections, conférences et spectacles offerts au grand public.

Interrompu par la crise sanitaire mais se poursuivant néanmoins à distance, grâce aux outils virtuels, nul doute que les étudiants auront retenu l’un des enseignements du workshop : « Votre corps, l’espace, le temps, la vitesse, l’énergie, le changement de rythme, le haut, le bas, les objets qui vous environnent et dont vous pouvez vous saisir : tous ces outils sont à votre disposition pour livrer VOTRE vision de la marche ».

Crédit photo : Catherine Schröder/Université de Strasbourg

Elsa Collobert