mars 2015

Théorie ou théorème du glissement thématique ?

De grands chercheurs, prix Nobel ou autres, sont souvent récompensés pour des travaux datant du début de leur carrière. Bien souvent, leurs thématiques de recherche n’est plus la même. Une évidence, la normalité pour la plupart de ces grands scientifiques, (ou même pour tous les autres) pour qui le glissement de carrière n’est pas une fatalité mais une chance. Qu’est-ce qui amène un chercheur à changer de thématique ? Le hasard d’une rencontre, des contraintes financières, un sujet qui périclite… Retour sur l’expérience de Thomas Ebbesen scientifique franco-norvégien, professeur à l’Université de Strasbourg, qui a reçu le prix Kavli en 2014 pour ses travaux sur la transmission optique extraordinaire.

Depuis le début de sa carrière de chercheur, Thomas Ebbesen choisit de travailler dans des environnements pluridisciplinaires, parfois à l’extrême. Ainsi au Japon, au Centre de recherche de la société NEC, se côtoyaient des spécialistes des fullerènes, des neurosciences, de chimie quantique, de physique du solide, etc. « Cela était très stimulant et convenait parfaitement à ma personnalité foncièrement curieuse ». La pluridisciplinarité, il l’a retrouvée à l’Institut de science et d'ingénierie supramoléculaires et la cultive dans son équipe.

Thomas Ebbesen : « J’ai fleuri grâce aux changements de culture, d’environnement et de thématiques de recherche »

Après une licence en biologie et en chimie, puis une thèse et un post-doctorat dans le domaine de la physico-chimie et de la photosynthèse artificielle, Thomas Ebbesen va travailler sur les nanotubes de carbone, le graphène [bien avant l’engouement que l’on connaît aujourd’hui], et découvrir la transmission optique extraordinaire accidentellement. A l’heure actuelle, il travaille sur une quatrième thématique complètement différente, l’interaction lumière-matière et la création de matériaux hybrides. « Etre chercheur, c’est apprendre tous les jours ! J’ai besoin de changer de sujet de recherche sinon je m’ennuie. Par contre, ces changements se font toujours en douceur ». Un chercheur ne doit pas s’arrêter de produire des résultats. Et puis il faut le temps de voir ce qu’une nouvelle thématique aussi excitante soit elle, va donner. « Lorsque l’on se lance dans un nouveau sujet, on arrive avec un œil neuf, sans idées préconçues ni certitudes, et c’est souvent là que l’on fait les plus grandes découvertes ».

La pluridisciplinarité a été le véritable moteur des changements dans le parcours du professeur Ebbesen et de sa réussite ! « J’ai fleuri grâce aux changements de culture, d’environnement et de thématiques de recherche ».

Thomas Ebbesen est professeur à l’Université de Strasbourg, ancien directeur de l’Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires (Université de Strasbourg/CNRS) où il dirige le Laboratoire des nanostructures, et directeur de l’Institut d’études avancées de Strasbourg (USIAS).

Fanny Cygan