mai 2017

SolariX trouve toutes les molécules

Arrivé dans l’été 2016, le spectromètre de masse SolariX a pris ses quartiers dans une salle dédiée de l’ Institut de biologie moléculaire des plantes (IBMP). Cet appareil de deux tonnes, unique dans le Grand Est est capable d’identifier avec une sensibilité et une précision inégalée les molécules d’un tissu.

Grâce à son aimant supraconducteur, il identifie les molécules par leur masse. « C’est en quelque sorte un pèse-molécules : protéines, peptides, acides aminés, lipides, sucres, molécules aromatiques, etc. Il n’existe pas d’appareil qui puisse mesurer plus finement leur masse, jusqu’à six chiffres après la virgule. On a sauté un verrou technologique », explique Dimitri Heintz, responsable de la plateforme métabolomique de l’IBMP. Cette science récente étudie les petites molécules biologiques (métabolites) par spectrométrie de masse.

Bienvenue dans l’imagerie du futur

Identifier les molécules directement dans les tissus biologiques, sans marquage ni manipulation préalable

SolariX est capable d’identifier les molécules directement dans les tissus biologiques, sans marquage ni manipulation préalable. Il suffit de faire une coupe histologique de n’importe quel tissu (cerveau, organe, tige, plante…), de placer la lame dans l’appareil et celui-ci analyse toutes les molécules présentes. « C’est une imagerie moléculaire sur tissu. Un nouveau paradigme. Une nouvelle manière de penser la biologie. » Avec cet appareil, on peut même identifier des molécules qu’on ne cherchait pas. « Si on avait eu ça à l’époque… C’est le rêve… », lui ont déjà dit certains scientifiques fascinés.

Cet outil d’analyse spatio-temporelle vient compléter l’équipement de la plateforme métabolomique. Il est accessible à l’ensemble de la communauté scientifique publique, mais aussi privée (des contrats ont par exemple été signés avec les laboratoires Lehning ou la société Biotransfer). Il n’existe que douze spectromètres de masse à ultra haute résolution de ce type au monde, dont quatre en France.

SolariX lors de son installation à l’Institut de biologie moléculaire des plantes. © CNRS-IBMP / Jérôme Mutterer
SolariX lors de son installation à l’Institut de biologie moléculaire des plantes. © CNRS-IBMP / Jérôme Mutterer

Suivre des centaines de molécules

Cancérologie, maladie d’Alzheimer, agronomie, environnement… Le champ des possibilités est immense en recherche fondamentale. La plateforme collabore avec les Hôpitaux universitaires de Strasbourg pour mieux comprendre l’évolution d’une tumeur, trouver des marqueurs de certains cancers. On peut aussi suivre l’évolution d’une drogue dans l’organisme d’une souris, pour étudier le devenir d’un médicament par exemple (pharmacocinétique). En agronomie, il permettra de mieux comprendre la germination, le développement végétal. On peut suivre la concentration d’un pesticide dans la plante au cours du temps. Un post-doctorat vient d’ailleurs de démarrer pour comprendre comment le pesticide pénètre dans la graine et agit, dans l’optique de minimiser le dosage.

En environnement, la plateforme est partenaire de l’Agence de l’eau Rhin-Meuse, pour étudier la dépollution de l’eau par les plantes. Comment et pourquoi le roseau est-il très efficace pour prendre en charge l’ibuprofène par exemple ? La thèse en cours étudie le devenir de 80 médicaments (les plus abondants dans les eaux usées) et cinq espèces de plantes.

Attention toutefois à ceux qui voudraient s’en approcher, car avec son champ magnétique de sept teslas, il détruit les smartphones.

Made in Alsace

© CNRS-IBMP / Jean-Luc Evrard

L’aimant a été fabriqué par le site de production alsacien de Bruker, à Wissembourg, détenteur d’un savoir-faire unique et qui exporte dans le monde entier. Il a fière allure, SolariX, avec sa deuxième peau artistique. L’équipe a souhaité le customiser en faisant appel à un artiste local. Elle a choisi Paule Brun, alumni de l’université, pour son inspiration biologique. D’un coût d’1,5 million d’euros, l’appareil a été financé dans le cadre du contrat de plan Etat-Région (CPER).

 

 

Colloque

L’université accueillera en juin un colloque interdisciplinaire sur le thème de l’image à suivre sur canalC2.fr

Stéphanie Robert