mai 2017

L’ERC, une success story à l’européenne

ERC. Trois lettres qui ont changé la donne pour des milliers de chercheurs. Derrière cet acronyme, se cache le Conseil européen de la recherche, un programme institué en 2007 par la Commission européenne pour encourager une science « à la frontière des connaissances ». En l’espace de dix ans, cet instrument est devenu incontournable.

Carlos Moedas, commissaire européen à la recherche, à l’innovation et à la science.
Carlos Moedas, commissaire européen à la recherche, à l’innovation et à la science.

« La beauté de ce programme est d’aller chercher les meilleurs scientifiques pour leur demander ce qu’ils veulent faire plutôt que ce qu’ils doivent faire », résume Carlos Moedas, commissaire européen à la recherche, à l’innovation et à la science. Indépendamment de la nationalité, du genre, de l’âge et même de l’échelon des candidats, l’ERC soutient des chercheurs de tous horizons à travers l’attribution de bourses finançant des travaux de recherche novateurs et ambitieux. En fondant ses critères de sélection uniquement sur l’excellence scientifique, il fait le pari de l’intelligence et de l’audace.

Six prix Nobel

En 2015, l’évaluation des projets terminés a montré que plus de 70% d’entre eux ont abouti à des découvertes fondamentales

Différentes catégories de bourses permettent aux jeunes chercheurs comme aux chercheurs accomplis d’explorer de nouveaux champs de recherche, de concrétiser leurs idées ou de les consolider. Avec un taux de réussite moyen de 11%, la sélection reste cependant drastique. En retour, l’ERC attribue aux lauréats des bourses individuelles comprises entre 1,5 et 2,5 millions d’euros. D’une durée de cinq ans, cette véritable manne permet aux heureux bénéficiaires de se consacrer à leurs recherches en totale autonomie financière tout en s’entourant d’une équipe dédiée. Face à une telle opportunité, les chercheurs ne s’y sont pas trompés. Dès le premier appel à projet, ils étaient près de 9 000 à candidater. Dix ans et quelque 7 000 projets financés plus tard, le Conseil européen de la recherche peut se targuer d’un bilan très positif. « Depuis que l’ERC existe, six lauréats ont reçu le prix Nobel, cinq le prix Wolf et quatre la médaille Fields, se félicite Carlos Moedas à l’occasion de la cérémonie anniversaire des dix ans de l’ERC qui s’est tenue à Strasbourg le 15 mars dernier. Les recherches financées ont aussi abouti à la publication de 5 500 articles dans 1% des revues scientifiques les plus citées. » En 2015, l’évaluation des projets terminés a montré que plus de 70% d’entre eux ont abouti à des découvertes fondamentales et des avancées majeures. 800 demandes de brevets ont été également déposées depuis 2007.

© Catherine Schröder

Construire l’Europe en rêvant de sciences ?

L’ERC est une réussite individuelle mais aussi collective. Chaque lauréat recrute en moyenne six collaborateurs. C’est ainsi près de 50 000 personnes de toute origine qui ont été ou sont toujours impliqués dans des projets ERC. Depuis sa création, son budget annuel est progressivement monté en puissance, passant de 300 millions d’euros en 2007 à 1,7 milliard d’euros en 2017. Pour autant, son avenir n’est pas assuré selon Jean-Pierre Bourguignon, président du Conseil européen de la recherche. « Jusqu’en 2020, le budget est garanti. Mais qu’en sera-t-il lors du prochain programme cadre ? Un certain nombre d’incertitudes politiques rendent difficiles les pronostics. » Persuadé que la science et l’ERC ont un rôle décisif à jouer en Europe, il défend une place plus significative de la recherche dans les budgets européens. Elle n’est aujourd’hui que de 8%.
« La science ne connaît pas les frontières », n’a de cesse de répéter Jean-Marie Lehn, prix Nobel de chimie, professeur émérite à l'Université de Strasbourg et fervent européen. Aussi, à l’heure où les logiques nationalistes et les murs fleurissent, la science peut-elle faire le trait d’union entre les citoyens et le projet européen ? C’est la conviction profonde de Carlos Moedas. « La science est peut-être l’un des seuls outils pour rétablir le lien avec les citoyens. Il faut dire haut et fort que nous sommes fiers de la recherche européenne. »

Paroles de chercheurs

Pour Jean-Marie Lehn, lauréat d’une bourse en 2011, l’ERC est « une révolution fondamentale » pour la recherche européenne grâce à « la liberté d’entreprendre » qu’il offre. Un sentiment très majoritairement partagé par la communauté scientifique et en particulier les 45 lauréats strasbourgeois.

 

 

 

« Pour la première fois, on me fait réellement confiance. J’ai une flexibilité, une capacité d’action. Je n’ai pas besoin de justifier chaque centime. » Christian Bonah, professeur à l’Université de Strasbourg et lauréat d’une bourse 2016, voit dans le Conseil européen de la recherche une véritable chance à saisir. « Pouvoir travailler cinq ans sur un projet est un énorme privilège en sciences humaines et sociales. »

 

 

 

« On a pu voir beaucoup plus grand et développer des techniques qui tournent bien et qui sont maintenant à la pointe », se réjouit Caroline Rouaux, chargée de recherche à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). Depuis qu’elle a obtenu sa bourse en 2015, tout a changé dans son quotidien. La scientifique de 38 ans a pu étoffer son équipe, passant d’une doctorante et d’un étudiant stagiaire à cinq personnes dont trois exclusivement financés par l’ERC. Elle a également pu doter son laboratoire d’un microscope dernier cri à 100 000 euros. De quoi mettre toutes les chances de son côté pour mieux comprendre la sclérose latérale amyotrophique, une maladie neurodégénérative.

L'ERC en chiffres

  • 45 lauréats (36 hommes, 9 femmes) sur 929 lauréats en France et 6 908 en Europe
  • 48 projets
  • 31 bourses en sciences de la vie
  • 14 bourses en physique et ingénierie
  • 1 bourse en sciences humaines et sociales
  • 1 bourse en interdisciplinaire

Ronan Rousseau

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