4D Pétamenopé est un projet de recherche interdisciplinaire mêlant égyptologues, géophysiciens, géographes, pédologues de Strasbourg et archéomètres du Caire. Le but : en savoir plus sur le tombeau de Pétamenopé, reconstituer l'histoire de la vallée d'Hatchepsout, le climat et la végétation de l’Égypte à cette époque et perfectionner des méthodes de prospection géophysique.
Après la pyramide de Khéops, c'est au tour du temple funéraire de Pétamenopé, prêtre-lecteur richissime et intellectuel proche des rois d’Égypte, d'être ausculté par les physiciens. Ici, pas de muographie1, mais des méthodes de géophysique développées à l'Institut de physique du globe de Strasbourg (IPGS)2. « L'analyse du magnétisme terrestre nous permet de dresser une cartographie du sous-sol avec une résolution de quelques centimètres », indique Marc Munschy, géophysicien. Lors de sa première mission en octobre 2017, l'équipe a sillonné le site avec des capteurs pour établir une cartographie magnétique de la zone, sorte d'échographie du sous-sol.
Vallée nécropole
Datant du VIIe siècle avant notre ère, le tombeau de Pétamenopé est la plus grande tombe privée jamais creusée en Égypte. Entre la Vallée des rois et Louxor, la vallée d'Hatchepsout est une nécropole, un formidable gisement archéologique. Et ce qui intéresse l'archéologue Frédéric Colin, porteur du projet, est d'en reconstituer l'histoire en prenant le tombeau comme terrain d'étude. Outre ses 22 salles souterraines, il comprend une zone enfouie sous les déblais de milliers d'années. Enfouie, donc préservée, souligne l'égyptologue, car tout autour, la stratigraphie – succession des couches géologiques – a été détruite par les fouilles successives.
Outre ses 22 salles souterraines, le tombeau comprend une zone enfouie sous les déblais de milliers d'années.
C'est là qu'interviennent les géophysiciens de l'École et observatoire des sciences de la Terre. Les anomalies magnétiques suggèrent la présence, sous ces déblais, de structures. Frédéric Colin y voit le mur d’enceinte et le pylône d'entrée du tombeau. Il en remarque aussi d’autres, orientées différemment. Il suspecte des vestiges liés à une allée processionnelle disparue, antérieure au tombeau, qui menait au temple d’Hatchepsout, reine d'Égypte.
Une modélisation 3D du site en fonction du temps
La géophysique donne ainsi des indications pour orienter les fouilles, lesquelles fourniront, une fois réalisées, les preuves terrain de ces anomalies. Celles-ci permettront aux physiciens de valider et perfectionner leurs méthodes.
Et ce n'est pas tout. Le pédologue Dominique Schwartz du Laboratoire image, ville, environnement (Live)3 et le sédimentologue Mathieu Schuster de l'IPGS les rejoindront pour étudier l'environnement, le climat et la végétation du lieu à cette époque. L'Institut français d'archéologie orientale au Caire mènera des études de datation. Les archéologues du laboratoire Archimède4 réaliseront les campagnes de stratigraphie et de photogrammétrie pour archiver et visualiser en 3D chaque étape de fouille. In fine, ils parviendront à une modélisation 3D du site en fonction du temps, d’où l’intitulé 4D du projet.
En croisant ces méthodes scientifiques et techniques, Frédéric Colin entend renouveler l'égyptologie, et espère que l'équipe devienne une référence en la matière.
1 Technologie qui permet de calculer les muons, soit des particules cosmiques qui remplissent les espaces vides, aussi appelées électrons lourds.
2 IPGS - UMR 7516 CNRS / Unistra
3 Live - UMR 7362 CNRS / Unistra
4 Archimède - UMR 7044 CNRS / Unistra / UHA