En cherchant une façon de fabriquer un système chimique « vivant », Thomas Hermans et son équipe ont trouvé une méthode innovante pour séparer des molécules sœurs, dites chirales. Naissance d’une technologie qui séduira bientôt toutes les industries chimiques.
Observez vos deux mains ! Si l’une est l’image de l’autre dans un miroir, jamais elles ne se superposent. C’est ce que l’on nomme la chiralité. En chimie, l’on reconnaît une molécule chirale au fait qu’elle existe sous deux formes (énantiomères) : l’une qui tourne à gauche (L ou lévogyre) et l’autre à droite (D ou dextrogyre). Dans des conditions normales, les réactions chimiques produisent des quantités égales de molécules L et D. Si les propriétés physiques de ces molécules sœurs sont identiques, les propriétés biologiques, elles, diffèrent parfois beaucoup. Ainsi si l’une des formes chirales constitue un bon médicament, l’autre par contre peut se révéler très toxique !
L’idée est de faire émerger de nouvelles structures et fonctionnalités plus avancées, plus diversifiées et proches du vivant
D’où l’intérêt de trouver des méthodes de synthèse permettant de sélectionner uniquement un des deux énantiomères ou de mettre au point des techniques de séparation des deux molécules sœurs. Des méthodes de séparation existent déjà mais la technologie innovante mise au point au sein du laboratoire de Thomas Hermans risque fort de révolutionner le marché dans les quinze ans à venir. « Les brevets des systèmes actuellement utilisés arrivent à échéance et tomberont bientôt dans le domaine public, souligne Thomas Hermans. Le savoir-faire accumulé depuis 20 ans ne suffira plus à être compétitif ».
Au quotidien, Thomas Hermans et ses collaborateurs s’intéressent aux systèmes chimiques complexes hors équilibre. « Concrètement, nous cherchons des méthodes pour pousser nos molécules hors de leur équilibre thermodynamique en leur faisant consommer de l’énergie ». Et son doctorant, Vincent Marichez ajoute : « L’idée est de faire émerger de nouvelles structures et fonctionnalités plus avancées, plus diversifiées et proches du vivant ».
L’idée de départ : utiliser les écoulements de fluide pour pousser des molécules hors équilibre. Si pour l’heure le système mis au point n’a pas répondu à la question de départ, il est à l’origine d’une belle innovation. « Nous avons très vite constaté qu’il permettait de séparer des molécules chirales ». Après avoir d’abord séparé de gros objets comme des spirales gauches et droites, aujourd’hui l’équipe peut trier des objets de quelques centaines de nanomètres. « Nous développons actuellement un prototype qui permettra de séparer des molécules mille fois plus petites, de manière rapide, simple et peu couteuse ». Il s’agit de déterminer et d’optimiser les conditions de séparation pour différents types de molécules. Pour cela, l’équipe de chercheurs bénéficie de l’expertise de l’un des principaux acteurs industriels du marché à l’international, Chiral technologies dont une filiale européenne est implantée à Illkirch. « Ce dispositif nous intéresse beaucoup car son principe nous semble très novateur, commente Pilar Franco, responsable technique. Mais il faut encore faire la démonstration de son application concrète et donc de l’intérêt commercial ». C’est ce que va permettre ce partenariat et le financement apporté par Conectus Alsace, pour établir la preuve de concept.