Le globe de Coronelli a fait peau neuve et attend désormais d’être présenté au public. Pièce maîtresse des collections de l’Observatoire astronomique de Strasbourg, il préfigure d’un nouveau parcours de visite intégrant le patrimoine dans le bâtiment de la grande coupole.
« Dès le départ, nous avons souhaité associer la démarche de restauration à celle de la valorisation de cet objet exceptionnel », explique Delphine Issenmann, chargée de l’inventaire et des collections de l’Université de Strasbourg. Ainsi, le budget dédié à la valorisation du globe de Coronelli est presque du même ordre que le budget de la première étape : 30 000 euros contre 35 000 euros pour la restauration. Le projet mené par l’Observatoire astronomique et le Jardin des sciences, bénéficie d’un soutien financier des initiatives d’excellence (Idex) et d’un financement participatif via la fondation de l’université, qui reste ouvert.
Cet objet datant de 1697 a été fabriqué par un artisan parisien à partir des gravures du moine cartographe Vincenzo Coronelli, rendu célèbre par la conception des deux grands globes de quatre mètres de diamètre commandés pour le roi Louis XIV, un globe terrestre et un céleste, exposés au château de Marly. Coronelli s’est ensuite lancé dans l’édition de modèles réduits d’un peu plus d’un mètre de diamètre de ces deux globes. Le globe de Strasbourg fait partie de la deuxième édition des globes célestes. On en dénombre une dizaine en France et seulement quelques dizaines en Europe. Chaque objet est une pièce unique qui était détenu par une élite ou une institution d’exception. L’arrivée à Strasbourg de ce globe de Coronelli n’a pas été encore retracée. Une photo des collections de l’Observatoire en atteste la présence en 1926. « Il aurait peut-être fait l’objet d’un échange avec l’École militaire de Metz en 1910, mais cela reste à confirmer », précise Delphine Issenmann.
Ce qui est certain c’est qu’il n’a jamais été montré au grand public. Il sera dévoilé lors des Journées du Patrimoine en septembre prochain. Ce devait être initialement le 16 mai, lors de la nuit des musées, mais l’événement a été reporté… Pour le protéger, le globe sera entouré d’une cloche de plexiglas et ne pourra plus être manipulé, mais grâce à une caméra située au-dessus de cette cloche et à un dispositif numérique, la manipulation virtuelle sera possible à partir d’une tablette ou d’un téléphone.
« C’est intéressant de faire le lien entre le patrimoine ancien et les recherches de l’Observatoire. »
Le globe a également été scanné intégralement pour créer un dispositif scénographique permettant de superposer le ciel du XVIIe siècle et le ciel d’aujourd’hui, visualisé avec des outils comme l’atlas interactif Aladin, développé par le Centre de données astronomiques de Strasbourg. « C’est intéressant de faire le lien entre le patrimoine ancien et les recherches de l’Observatoire. Quand on va présenter le globe aux visiteurs, ils vont constater qu’il existe des écarts entre le ciel de Louis XIV et le ciel actuel. Est-ce que cela signifie qu’au XVIIe siècle on ne savait pas bien positionner les étoiles ? Cela permet de poser des questions scientifiques. C’est un outil assez unique de médiation scientifique qui servira à présenter les activités scientifiques actuelles de l’observatoire », s’enthousiasme Pierre-Alain Duc, le directeur de l’Observatoire astronomique.
En examinant minutieusement les 1845 étoiles présentées sur cet objet, les chercheurs se sont aperçu que les constellations de l’hémisphère nord étaient mieux connues que celles du sud, où ils ont relevé davantage d’erreurs. « Mais cette représentation du ciel reste figurative, décorative, et pas du tout scientifique. Le globe n’était pas utilisé par les astronomes », précise Pierre-Alain Duc.
Installé dans l’entrée de l’Observatoire, le globe de Coronelli sera intégré aux parcours de visite de la grande coupole proposés par le Jardin des sciences dans le cadre des activités du planétarium. Grâce à l’action du Jardin des sciences, l’Observatoire astronomique de Strasbourg reste l’un des rares observatoires ouverts au public en France. « Nous ne sommes pas un musée. Dans la grande coupole où se trouve la grande lunette, nous ne pouvons pas accueillir plus de 20 personnes. Mais nous aimerions que les visites de découverte de l’astronomie puissent aussi permettre de découvrir un patrimoine pour le moment méconnu », prévient le directeur. L’observatoire astronomique possède une riche collection d’objets, d’instruments, de livres…
« L’objectif à plus long terme est de réaménager le premier étage du bâtiment de la grande coupole pour en faire un espace dédié à la médiation scientifique », annonce-t-il. Après le globe de Coronelli, le public pourrait découvrir en autres merveilles : des astrolabes, des instruments de mesure de l’explorateur allemand Alexandre de Humboldt, ou encore des catalogues originaux de l’astronome allemand Johannes Kepler à l’origine des lois du mouvement des planètes au XVIIe siècle...
Fortement dégradé suite aux manipulations et aux expositions à la lumière, le globe de Coronelli avait noirci, le papier était déchiré par endroits, un des pieds en bois était cassé… « Il n’était plus présentable au grand public dans cet état », raconte Delphine Issenmann, chargée de l’inventaire et des collections de l’Université de Strasbourg. En mai 2019, il a donc fait l’objet d’une restauration globale dans un atelier de restauration spécialisé dans le papier et le bois, près de Châteauroux. Cet atelier avait déjà restauré un autre globe de Coronelli. « L’objectif était de préserver au maximum les éléments d’origine », explique Delphine Issenmann. Du papier a été réimprimé uniquement pour combler les parties manquantes. La restauration a duré six mois.