Au revoir dictionnaires papier, bonjour logiciels spécialisés et autres réseaux neuronaux. Passés du stade de l’humain à celui de la machine en trente ans, les métiers de la traduction ont dû s’adapter et avec eux, les formations dispensées aux étudiants.
« Les formations linguistiques sans formation technique sont de moins en moins aptes à répondre à la demande du marché », précise d’emblée Thierry Grass, responsable de la mention du master Traduction et interprétation de la Faculté des langues. « Dans les années 1990, un des seuls outils du traducteur était le traitement de texte. De nos jours, il dispose de ressources en ligne et du développement de la traduction automatique neuronale, un système qui fonctionne à partir de traductions déjà produites par des humains. »
Vers la fin du métier de traducteur ? Pas vraiment. « Pour traduire, il faut s’adapter au jargon, comprendre le contexte : la langue juridique par exemple, est polysémique et multiréférentielle », souligne Alain Volclair, chef du département Traduction à l’Institut de traducteurs, d'interprètes et de relations internationales (Itiri).
Ainsi, loin de menacer le travail des traducteurs, ces avancées leur permettent d’appréhender de nouvelles compétences avec l’apparition de pratiques comme la post-édition : au lieu de réécrire totalement le texte, les traductions automatiques en donnent une première ébauche. « Dans les formations, nous leur apprenons les fautes communément faites par ces moteurs de traduction et comment retravailler les textes produits par l’intelligence artificielle », détaille Thierry Grass.
Un système qui ne s’applique toutefois pas aux traductions littéraires ou audiovisuelles, où le côté culturel et psychologique nécessite une part importante d’interprétation. Autre changement : l’apparition de la pré-édition. « Il s’agit de simplifier le texte de départ pour que la machine n’ait pas de problème d’ambiguïté », explique Alain Volclair.
« Dans les formations, nous leur apprenons comment retravailler les textes produits par l’intelligence artificielle »
Côté débouchés, le marché de la traduction n’a jamais été aussi florissant et la demande mondiale en traducteurs ne cesse d’augmenter dans des domaines variés allant de la rédaction technique aux jeux vidéo, en passant par l’audiodescription. « Les entreprises accordent une importance croissante à la traduction et la démarche qualité, ce qui se remarque notamment dans la qualité des modes d’emploi », glisse Thierry Grass. Bons joueurs, de plus en plus de traducteurs travaillent également à l’amélioration de la qualité des traducteurs automatiques : meilleurs sont les corpus, meilleure sera la traduction...
C’est le taux d’insertion des étudiants de l’Itiri, un des trois instituts français à proposer uniquement des formations spécialisées en traduction. Créé en 1987, il regroupe 105 étudiants dans trois master axés sur la traduction professionnelle avec une douzaine de langues proposées.
Le colloque « Vers une robotique du traduire ? » se déroulera en septembre 2020. À travers la rencontre d’informaticiens et de traducteurs, il traitera de l’impact de la traduction neuronale sur les professionnels de la traduction et l’enseignement de celle-ci.