Si l’enseignement en ligne qui s’est imposé lors du premier confinement a été vécu comme une expérience plutôt positive pour un grand nombre d’enseignants, son inscription dans la durée pose aujourd’hui problème. Confrontées à une crise durable, les universités sont appelées à définir une politique et une organisation claire sur ce type d’enseignement.
L’enquête menée par une équipe de chercheurs au sein d’Eucor-Le campus européen à la sortie du premier confinement sur le passage de l'enseignement traditionnel à l'enseignement en ligne a révélé que l’expérience de ce confinement n’avait pas été vécue aussi négativement qu’on aurait pu l’imaginer. Sur les 600 réponses des enseignants des universités de Strasbourg, Mulhouse et Bâle, 44% considéraient que l’expérience avait été « positive et inspirante ». « Les enseignants ont découvert des outils et une nouvelle démarche », explique Jacques Audran, directeur du Laboratoire interuniversitaire de sciences de l’éducation et de la communication (Lisec) qui a participé à l’élaboration de cette enquête.
Mais si les mêmes questions étaient posées aujourd’hui, les réponses seraient selon lui, radicalement différentes. « Actuellement, j’entends autour de moi beaucoup de grogne et une forme de lassitude du fait que cette crise qu’on croyait ponctuelle, pourrait finalement devenir durable », témoigne Jacques Audran. Au printemps dernier, les personnes sondées étaient en position de sortie de crise, alors qu’aujourd’hui, les perspectives de retour à un enseignement « normal » restent bien floues.
« Les étudiants sont épuisés par la tenue de leur agenda et l’obligation de passer d’un système à l’autre. »
Cette situation de crise qui semble s’inscrire dans la durée pose de nombreux défis aux universités. Parmi eux, celui d’une utilisation coordonnée des outils numériques. Le Lisec qui compte plus de 100 doctorants au sein de trois universités, Strasbourg, Université de Haute-Alsace et Université de Lorraine, en subit les effets. Aucun des trois établissements de tutelle n’a fait le même choix de système de visioconférence, de logiciels et de plateforme en ligne. Les regroupements virtuels se font via BBB à Strasbourg, via Teams en Lorraine et via Webex Meetings à Mulhouse. « C’est d’autant plus problématique que l’accès à ces différents systèmes est lié à l’identifiant universitaire des étudiants. Une coordination serait aussi la bienvenue pour les cours car les étudiants sont épuisés par la tenue de leur agenda et l’obligation de passer d’un système à l’autre », observe le directeur du Lisec-Alsace. Qui souligne que la crise sanitaire a aussi mis au jour des problématiques déjà connues comme le manque de moyens des universités face à la massification des étudiants. « Pour définir clairement ce que peut être l’enseignement en ligne, il faudrait pouvoir « se poser », débattre et s’organiser sereinement. Or, nous ne sommes pas dans cette dynamique aujourd’hui », admet-il.
Le Laboratoire interuniversitaire de sciences de l’éducation et de la communication (Lisec-Alsace) et l'Institut des sciences de l'éducation de l'Université de Bâle, tous deux à l’origine de la première enquête sur l'enseignement en ligne menée en mai et juin dernier, auraient souhaité continuer ces recherches. Un prolongement de l’enquête menée auprès d’un réseau plus large d’universités du Rhin supérieur était à l’étude. Mais le projet n’a pas trouvé de financement.