En 2013, soucieux d’offrir une réponse pour désamorcer les tensions socioreligieuses croissantes au sein de la société, les responsables de la Faculté de théologie protestante de Strasbourg et de la Faculté libre d’études politiques et en économie solidaire (Flepes) de Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine) s’associent pour proposer un diplôme d’université (DU) en médiation socioreligieuse. Trois questions à Isabelle Ullern* et Karsten Lehmkühler*, coresponsables de la formation.
Qui sont les étudiants du DU médiation socioreligieuse ? Et les enseignants ?
Isabelle Ullern : La majorité de nos étudiants –15 à 20 par promotion – sont issus du monde professionnel social et culturel. Avec ce DU, ils cherchent à compléter leur formation. Il y a aussi des personnels religieux chrétiens et musulmans, soucieux d’apaiser la situation sociale tendue.
Entre la Flepes et la Faculté de théologie protestante de Strasbourg, le compagnonnage est fondé sur un diagnostic ancien. Dès avant 2013, face à la multiplication de conflits civils se nourrissant des tensions idéologiques autour de la religion, nous avons vu croître le besoin pour ce genre de formation, inédite. Le format DU, pont entre monde professionnel et formation universitaire, s’est imposé de lui-même.
Karsten Lehmkühler : Si cette formation bénéficie de l’éclairage de la théologie, ce n’est pas une formation en théologie. Nous sommes trois enseignants strasbourgeois à intervenir régulièrement dans ce DU. J’assure des cours sur le pluralisme religieux interne et externe et sur les approches religieuses de la bioéthique ; Frédéric Rognon autour de la gestion des conflits et la justice restaurative, et Isabelle Grellier présente la théologie pratique à des gens qui ignorent tout de ces ressources de la vie religieuse. Côté Flepes, Isabelle Ullern assure l’histoire et la philosophie politiques et des religions, une clinicienne assure les TD de médiation ; des professionnels présentent des situations pratiques et la législation sur les associations cultuelles. Cette année, un spécialiste des islamismes intervient également.
Pour quelle pratique ?
I.U. : Beaucoup de conflits ont pour origine la confrontation entre pratiques religieuses et réglementation laïque, à l’œuvre en France. Il est important de donner aux étudiants de solides repères d’histoire politique moderne des religions, en France et en Europe. Puis, à travers les données légales constitutives, travailler les relations humaines est pris comme appui déterminant de la pacification civile locale. Le médiateur est un récepteur, à l’interface de la situation de tension. Les mises en situation, à partir de cas réels rencontrés par les stagiaires, nous servent de fil rouge. Exemple : on introduit des repas hallal au sein d’un centre d’hébergement, pour les enfants mais pas pour les personnels. Le conflit des salariés va argumenter au nom de l’intérêt des enfants : nous apprenons au médiateur à démêler ces confusions, à créer et porter les conditions éthiques et légales d’une reprise de dialogue, avant que le conflit ne soit porté devant la Justice. Établissements scolaires, sociaux, de santé ou de formation, tous les lieux d’aumôneries de tous les cultes, la vie associative ordinaire et cultuelle au niveau des communes… Les univers où la médiation socioreligieuses est utile, voire nécessaire, sont multiples.
Comment s’articule la formation entre Bourg-la-Reine et Strasbourg ?
K.L. : Depuis trois ans que ce DU a été mis en place, le recrutement se fait majoritairement en région parisienne, du fait de l’assise géographique du public en formation professionnelle. La Flepes prend en charge nos déplacements. L’idéal serait qu’à l’avenir, le recrutement s’élargisse sur Strasbourg. Déjà, à la prochaine rentrée, un module y sera dispensé. Un premier pas vers la parité !
* Isabelle Ullern est doyenne de la Faculté libre d’études politiques et en économie solidaire (Flepes), Karsten Lehmkühler est professeur à la Faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg