Le projet Territoires de santé de demain piloté par l’Eurométropole de Strasbourg entend répondre aux principaux enjeux de santé du moment : vieillissement de la population, augmentation des maladies chroniques et de longue durée. Avec une question latente : jusqu’où les nouvelles technologies peuvent-elles améliorer notre santé ?
« Nos sociétés modernes sont confrontées à une véritable épidémie de maladies chroniques, avertit le docteur Alexandre Feltz, adjoint au maire de Strasbourg en charge de la santé. En France, onze millions de personnes sont atteintes de maladies de longue durée, telles que le diabète ou le cancer. Et 20 millions de personnes souffrent de maladie chronique : hypertension ou obésité par exemple. Sur les 200 milliards d’euros de dépenses de santé dans notre pays, ces maladies coûtent 94 milliards d’euros à la Sécurité sociale. Le système explose. » Afin d’y remédier, l’Eurométropole de Strasbourg avait candidaté en décembre 2017 à l’appel à projets Territoires d’innovation géré par la Banque des territoires. Son projet, Territoires de santé de demain, a été retenu le 13 septembre 2019, parmi 24 autres sur les 117 candidatures déposées. Objectif : répondre aux enjeux du vieillissement et des maladies chroniques et corriger les inégalités territoriales d’accès à la santé en accélérant la diffusion des innovations et en tirant mieux parti du potentiel du numérique et des collaborations ouvertes.
Au final, 34 projets ont été retenus par le consortium constitué notamment de l’Eurométropole de Strasbourg, du pays de Saverne Plaine et Plateau, du Conseil départemental du Bas-Rhin, des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) et de l’Agence régionale de santé. Ces projets sont regroupés en cinq grandes familles : mobilisation des citoyens pour agir sur leurs déterminants de santé, développement de nouveaux lieux de santé innovants sur les territoires, meilleure prise en charge des patients à risque par des parcours intégrés, développement d’un écosystème d’innovation et participation des citoyens à la conduite du changement.
Très concrètement, quelques projets émergent de l’ensemble : développement d’un piège à particules pour nettoyer la pollution de la ville, dépistage de 450 pesticides dans les tissus mammaires pathologiques et sains répertoriés aux HUS depuis 2000 auprès de 10 000 femmes atteintes d’un cancer du sein, développement du sport santé sur ordonnance inventé à Strasbourg en 2012, création d’une Maison sport santé à Strasbourg et à Saverne, création d’un hôtel-patient connecté porté par l’IHU afin d’améliorer le parcours du patient à sa sortie de l’hôpital… « Notre objectif, résume Catherine Trautmann, vice-présidente de l’Eurométropole, c’est de permettre à tous nos concitoyens d’accéder à la bonne santé et au bien être grâce au déploiement optimum et éthique des nouvelles technologies. »
Outre un appel à manifestation d’intérêt auprès d’une cinquantaine de structures publiques, associatives ou privées agissant sur les thématiques de la santé, le projet Territoires de santé de demain a également été construit avec les patients eux-mêmes à l’occasion de cafés participatifs organisés à l’hôpital de Hautepierre ainsi qu’à Dossenheim-sur-Zinsel, en Alsace Bossue associée à l’ensemble du projet. Exemples de questions posées aux participants : comment pouvons-nous agir sur notre environnement au quotidien pour être en meilleure santé ; en tant que patient, comment peut-on contribuer soi-même à la connaissance de sa maladie et à sa prise en charge ; en quoi le numérique peut-il être un soutien au secteur de santé en ruralité ?
L’Unistra est partenaire de Territoires de santé de demain. Exemple de coopération, parmi d’autres, avec les travaux du laboratoire Sports et sciences sociales pour la future Maison du sport santé.
La prescription médicale du sport sur ordonnance sert-elle à quelque chose ? En 2012, l’Agence régionale de santé et le docteur Alexandre Feltz, alors conseiller municipal délégué à la santé de la Ville de Strasbourg, avaient commandé à William Gasparini, professeur à la Faculté des sciences du sport (Staps) et directeur du laboratoire Sport et sciences sociales (E3S), une étude sur les effets sociaux de la prescription médicale du sport sur ordonnance. Une cinquantaine de bénéficiaires de cette nouvelle médecine par l’activité physique, habitants des quartiers prioritaires de la ville, avaient été interviewés au moment de la prescription et six mois après. William Gasparini en résume aujourd’hui les principaux enseignements : « L’impact était surtout positif pour les femmes, qui souvent ne pratiquaient plus le sport et souffraient de certaines maladies chroniques comme l’obésité. Elles aimaient se retrouver entre elles pour se remettre à l’activité physique. Elles nous disaient : “On se sent mieux parce qu’on bouge, et puis nous sommes écoutées”. »
Sept ans plus tard, on retrouve les équipes d’E3S dans le projet de la Maison du sport santé (MSS), qui s’installera dans les Bains municipaux en cours de rénovation et qui compte parmi les actions du programme Territoires de santé de demain. Une des doctorantes du laboratoire, encadrée par William Gasparini, réalise une thèse sur la Maison, comme nouvel instrument d’une action publique locale de promotion de santé. « Si nous sommes là, c’est pour produire de nouvelles connaissances sur les pratiques et les dispositifs du sport santé, explique ce dernier. Avec nos chercheurs, nos réflexions contribueront à la démarche d’éducation thérapeutique du patient, afin qu’il devienne par exemple, autonome dans la gestion de sa maladie. »