juillet 2015

Proche-Orient ancien : bâtir sur des ruines

Terre de prédilection des archéologues du monde entier, le territoire syrien regorge de vestiges de la civilisation mésopotamienne. En raison des conflits qui déchirent le pays depuis 2010, ce patrimoine vieux de plusieurs millénaires est aujourd’hui en danger. Les chercheurs n’ayant plus accès aux sites essaient résolument de continuer à travailler sur leurs thématiques et développent des projets alternatifs. Rencontre avec Philippe Quenet, archéologue du Proche-Orient.

Maquette du « temple » d’Eridu, niveau VI (Ve millénaire av. J.-C.). La longue pièce centrale est pourvue de deux podiums et comporte deux sols d’occupation successifs.

Des projets avortés

Après quinze années de terrain en Syrie en tant que contractuel dans différentes organisations, Philippe Quenet devient maître de conférences à l’Université de Strasbourg. Il obtient alors deux financements importants pour des travaux d’étude et de terrain en Égypte et en Syrie. Malheureusement dès 2010, des soulèvements éclatent, empêchant l’accès aux pays et les projets sont finalement arrêtés. Après une période de « deuil »  à la fois scientifique et personnel, Philippe est heureux de constater que les étudiants se mobilisent par le biais associatif pour la diffusion des connaissances sur le Proche-Orient ancien, mais également l’inventaire des dommages et la mise à l’abri du patrimoine syrien.

Une nouvelle aventure

En mai 2014, l’Institut du monde arabe propose une exposition sur le site de Mari et présente à cette occasion une maquette de temple. La question de faire venir ce matériel à Strasbourg fait alors germer l’idée d’une exposition entièrement dédiée à des édifices particuliers, dits « temples sur terrasse ». « Ces bâtiments au plan domestique étaient en effet construits sur des terrasses qui se sont élevées au fil du temps pour aboutir à d’immenses terrasses en gradins, dont l’image la plus connue est celle de la fameuse tour de Babel » explique Philippe. Des maquettes, pour la plupart inédites, montreront l’évolution entre le Ve et le Ier millénaire avant J.-C. de ces édifices dont la ziggurat de Babylone constitue l’aboutissement. Ce projet pluridisciplinaire, massivement soutenu par le Service universitaire de l’action culturelle et des fonds IdEx, associe chercheurs et étudiants, scénographes et graphistes, archéologues et architectes afin de reconstruire au mieux des élévations dont il ne reste aucun vestige. Après deux ans de travaux, l’exposition « Ana Ziqquratim – Sur la piste de Babel », aura lieu au printemps 2016 à la Bibliothèque nationale universitaire. « Ce projet est arrivé à point nommé et aura permis de poursuivre les recherches à demeure en attendant de retrouver une activité de terrain, ce qui devrait, si tout se passe bien, être le cas à l’automne prochain », conclut Philippe.

Elodie Legrand