Depuis 2013, Philippe Lavalle, directeur de recherche Inserm, avec son équipe du laboratoire Biomatériaux et bioingénierie, met au point des revêtements anti-inflammatoires et antimicrobiens en spray. Simples et efficaces, ils ont donné lieu à une start-up, Spartha Medical, qui par la force des choses, s'attaque au Covid-19.
La technologie est nanométrique, mais le principe est simple, c'est ce qui fait la force des revêtements antimicrobiens de Philippe Lavalle. On pulvérise, sur la surface de l'implant médical par exemple, des couches successives de biopolymères chargés positivement et négativement. Jusqu'à 24 couches de polyarginine et d'acide hyaluronique, des produits d'origine naturelle. « Nous utilisons la polyarginine car elle est anti-inflammatoire. Nous avons réalisé ensuite qu'il n'était même pas utile d'y ajouter des peptides antimicrobiens, car elle l'est naturellement. Le revêtement inhibe la croissance bactérienne, en détruisant la membrane cellulaire. Il est aussi efficace sur les bactéries résistantes aux antibiotiques », explique le chercheur.
Si vous ajoutez à cela que le procédé est facilement industrialisable, on comprend aisément tout l'intérêt de ces recherches et de leur valorisation. Il serait une arme redoutable contre les maladies nosocomiales. « La moitié d'entre elles sont dues aux dispositifs médicaux : cathéter, prothèses orthopédiques, pacemaker... Le plus souvent, ces infections ne sont pas causées par l'environnement hospitalier, mais par les propres germes du patient », souligne Philippe Lavalle. D'où l’intérêt de ce revêtement qui empêche les bactéries de coloniser l'implant dans le corps du patient. Les infections nosocomiales causent 40 000 décès par an en Europe, coûtent 7 milliards d'euros et ne cessent d'augmenter. Un enjeu de santé publique.
« C'est très motivant de voir l'application concrète de nos recherches, de voir qu’elles sont utiles à tous. »
Sollicités par les industriels, Philippe Lavalle et son équipe étudient ce principe depuis 2013. Leurs travaux ont été soutenus par l'Inserm, puis Conectus1 dont le financement de 500 000 euros a permis d'étudier son potentiel industriel.
Protégé par un brevet, le revêtement passe successivement les épreuves pour sa mise sur le marché : il résiste à la stérilisation, il peut être stocké sans perdre d’efficacité, il est biocompatible et utilisable avec tout type de matériau (titane, silicone...), il n'occasionne par de résistance bactérienne... Pour autant, le chemin est encore long, s'agissant d'un dispositif médical, il faut attendre les validations cliniques et réglementaires pour une commercialisation dans six ou sept ans.
La société Spartha Medical a été créée en 2019, Philippe Lavalle en est le directeur stratégique à temps partiel. Et son fidèle collaborateur depuis 10 ans, Nihal Engin Vrana, ancien chercheur post-doctoral, en est le directeur exécutif. Soutenue par l’incubateur Semia, la jeune pousse est hébergée au Centre de recherche en biomédecine de Strasbourg et compte six personnes début 2021. L'effectif devrait croître rapidement.
L'idée est de commercialiser un spray et des cartouches rechargeables grâce auxquels le personnel soignant pulvérise le revêtement avant l'opération. La société développe aussi des robots pour automatiser le processus de dépôt et proposer cette prestation aux fabricants. Elle recherche des partenaires industriels pour poursuivre conjointement les études.
Financée par BPI France et la Région Grand Est, la société entreprend une première levée de fonds pour industrialiser le spray anti-Covid (voir encadré), avant d'en lancer d'autres pour financer les développements dans le domaine médical. Cette aventure entrepreneuriale motive particulièrement le chercheur. « J'apprends beaucoup. C'est très motivant de voir l'application concrète de nos recherches, de voir qu’elles sont utiles à tous. Et puis, nous souhaitons embaucher des jeunes pleins de talents, anciens doctorants », dit-il.
Il a d'autres projets dans les tiroirs, notamment des patchs à base de protéines qui libèrent des médicaments. « Nous avons obtenu un financement de Conectus pour maturer le projet. Nous pourrions créer une société ensuite. Une fois qu’on connaît le processus... » sourit le chercheur.
1 Société d'accélération du transfert de technologies
En mars 2020, l'équipe a rapidement orienté ses recherches pour les appliquer au coronavirus. Le revêtement a aussi une action antivirale. Spartha Medical développe un spray grand public anti-Covid à base des mêmes polymères avec l'ajout de substances antivirales. Il permettra d'éliminer le virus de toute surface et pourra être utilisé comme alternative au gel hydroalcoolique, avec une action plus durable. N'étant pas un dispositif médical, les étapes réglementaires sont moindres, il pourrait être commercialisé fin 2021.